Par ces temps de « dette », voire de disette, on se demande bien où l’on pourrait dans le monde encore dénicher quelques trésors que les États n’auraient pas trouvés. Et pourtant tout au long de l’Histoire, l’or était partout, ou presque partout…
Petit inventaire de tout l’or du monde dans la première moitié du XXème siècle !
A tout seigneur, tout honneur ! Commençons par le pays qui a trouvé tout au long de son Histoire, quantité de ce métal précieux : l’Espagne. Au XXe siècle, s’il n’y avait plus de galions, il y avait quantité de métal jaune. Un métal jaune bradé bien au dessous de sa valeur ! Lorsque débuta la guerre civile d’Espagne en juillet 1936, le gouvernement républicain avait besoin d’armes à tout prix. L’accord de non-intervention fermait aux Espagnols tous les marchés du monde, sauf celui de l’URSS, mais les Soviétiques exigeaient un paiement en or.
Le Trésor de la Banque d’Espagne consistait en juillet 1936, en 2258 millions de pesetas-or, dont 70% en livres sterling or (environ 700 tonnes). Les Républicains se mirent à le céder à l’encan. C’est ainsi que la Banque d’Espagne vendit à la Banque de France 174 tonnes d’or, soit 580 millions de pesetas-or. Puis un navire chargé de 7800 caisses d’or fut envoyé de Carthagène à Odessa. Tout cela ne suffisait point à payer les armes commandées, alors l’ambassadeur soviétique Rosenberg fit une proposition concrète : en échange d’un dépôt d’or à Moscou, les Soviétiques se chargeraient de l’approvisionnement en armes des Républicains. Le marché fut conclu et 460,5 tonnes d’or fin envoyées à Moscou, soit les deux tiers du trésor national. Après quoi les Russes mirent en vente sur les marchés internationaux quelque 426 tonnes d’or et à disposition des Espagnols quelque 245 millions de dollars, 42 millions de livres sterling et 375 millions de francs français.
Sur ce total, Moscou préleva 132 millions de dollars pour payer ses propres fournitures de guerre et versa le solde au compte de la Banque commerciale pour l’Europe du Nord, la banque soviétique de Paris.
Nul ne parla plus jamais des 34,5 tonnes d’or fin qui se trouvaient toujours à Moscou.
A la fin de la guerre civile, les grands dressèrent leurs comptes : Hitler déclara que Franco lui devait plus d’un milliard de marks et Mussolini affirma que Franco lui devait 7 milliards de lires sur les 17 milliards qu’il lui avait prêtés.
Franco trouva à Madrid une caisse vide. Par un hasard heureux, il récupéra cependant 40 tonnes d’or fin que le dernier gouvernement du roi Alphonse XIII avait entreposées à la Banque de France de Mont-de-Marsan.
Quant à Staline, il mit en ordre les comptes secrets de la République espagnole en faisant exécuter en URSS tous les témoins gênants.
En pleine Seconde Guerre Mondiale, aussitôt que l’Allemagne nazie réalisa son programme d’expansion, les Allemands s’emparèrent de l’or des pays conquis. Ainsi dès l’Anschluss, les 78 000 kg d’or de la Banque nationale d’Autriche furent emmenés à Berlin. Puis l’or de la Banque Nationale de Tchécoslovaquie suivit le même chemin. Les Polonais prirent leurs précautions in extremis. En septembre 1939, la Banque Centrale de Varsovie embarqua son or, des archives historiques et des objets de valeur à bord d’un train et de camions qui gagnèrent Lublin, puis, à cause des combats, Luck (aujourd’hui Loutzk) et, enfin Sniatyn à la frontière roumaine.Le trésor fut alors transbordé sur un autre train qui emmena la précieuse cargaison jusqu’au port de Constantza.
Les Roumains ne voulaient à aucun prix mécontenter les Allemands qui approchaient de leurs frontières. Ils acceptèrent néanmoins de laisser charger le trésor polonais à bord d’un vieux pétrolier. Les Roumains purent alors aviser les Allemands que le pétrolier avait échappé à leur surveillance. Mais le navire fut arrêté à l’entrée du Bosphore.
Les Turcs proposèrent de déposer le trésor dans les caves de leur Banque nationale, mais les Polonais rejetèrent cette offre. Entre-temps, le gouvernement polonais en exil obtint que l’or soit déposé dans les caves de la Banque de France.
Les guerres sont propices, on le voit, aux mouvements précipités des trésors nationaux et aux périples divers du précieux métal. Exemple : l’or de Roumanie que les Roumains ne revirent jamais. Lors de la Première Guerre Mondiale en 1916, la Roumanie entre en guerre contre l’Allemagne. Le général von Mackensen fera son entrée à Bucarest en décembre. Le roi Ferdinand de Roumanie a gagné Iassy, près de la frontière russe. Il a emmené avec lui l’or roumain et demande à son cousin, le tsar de Russie, de garder le trésor. 1378 caisses contenant de l’or et deux caisses renfermant les bijoux de la reine Marie, évalués à 7 millions de franc-or, sont entreposés dans la salle des armures du palais du Kremlin. En 1917, les Roumains envoient le reste de leur trésor à Moscou : 350 caisses et des objets rares estimés à près de 10 milliards de lei-or (la monnaie roumaine). Le gouvernement provisoire constitutionnel, présidé par Kerenski, remit aux autorités une attestation garantissant l’intangibilité, la conservation et le retour des deux dépôts. Jamais la Roumanie ne revit son trésor.
En décembre 1934, le premier ambassadeur soviétique Ostrovsky à Bucarest apporta au ministre des Affaires étrangères les « restes » du trésor roumain : un mètre étalon, un kilogramme étalon et neuf chronomètres de grande précision. Voilà donc l’or de Roumanie en Russie. Mais qu’est-il devenu ? Avec la fuite du tsar en Sibérie, le trésor roumain et au passage une bonne partie du trésor russe (on parle de 650 millions de roubles-or) suivit le même chemin. Mais les nouvelles vont vite et devant le danger des troupes tchèques informées de la présence des deux fabuleux trésors, on transporta l’or sur des péniches, destination Kazan. Peine perdue car les Tchèques finalement mirent la main sur le magot. Un magot qui était destiné à alimenter les caisses de la contre-révolution. A leurs trousses les troupes bolchéviques. Bientôt une partie du trésor fut acheminée à Prague et servit à constituer une partie des fonds de la banque nationale de Tchécoslovaquie mais la plus grande partie fut récupérée par les bolchéviques.
D’autres nations furent la convoitise des chercheurs de trésors, d’un genre particulier : des chercheurs guerriers et conquérants au service d’un ordre nouveau. Cette fois ce sont les pays du Nord de l’Europe qui sont visés : l’or de Norvège, de Hollande et de Belgique en l’occurrence. Dès la première alerte, les 50 tonnes de réserves d’or gardées dans une cave d’Oslo devaient être évacuées vers le nord du pays. Mais l’invasion fut si rapide que seule la chance permit de réaliser ce plan : le commando allemand chargé d’enlever l’or fut coulé par hasard dans le fjord d’Oslo. Le commando norvégien, dirigé par l’ingénieur Fredrik Haslund, aidé d’une petite équipe de civils et de militaires, échappa au bombardement de la Luftwaffe et aux parachutistes ennemis. Il réussit à atteindre Tromsoë, tout au nord de la Norvège, avant de gagner la Grande-Bretagne, à bord du croiseur Enterprise. Par ailleurs, lorsque les Allemands franchirent la frontière hollandaise le 10 mai 1940, l’or était emballé dans des caisses. La réserve se divisait en deux lots placés dans les chambres fortes de la Nederlandse Bank à Amsterdam et à Rotterdam. Les caisses furent chargées à bord de douze camions et un fourgon blindé jusqu’à la fin de l’après-midi du 10 mai, puis le convoi, sans escorte militaire pour ne pas attirer l’attention, fila jusqu’au port d’Ijmuiden. Au passage, le fourgon emmena la famille royale, le prince Bernhard, la princesse Juliana et les princesses, qui furent installés sommairement sur les caisses d’or. A côté du chauffeur, un garde armé tenait sur ses genoux un carton contenant les bijoux de la Couronne.
Pendant ce temps, on chargeait l’or à bord de l’Iris et du Titus. Arrivé à Tilburg, l’or fut chargé à bord d’un train spécial et transféré dans les caves de la Banque d’Angleterre à Londres.
Enfin, en Belgique, avant septembre 1939, le ministre des Finances Camille Gutt, avec l’approbation du gouvernement, avait fait transporter 10 milliards de francs belges à la Banque d’Angleterre à Londres, et 6 milliards de francs belges à la Réserve fédérale, à New-York.
Lorsque la tension internationale s’accentua au cours de l’hiver 1939-40, 6 milliards de francs belges furent confiés à la Banque de France, qui les entreposa dans les succursales de Bordeaux et de Libourne. Le 16 mai 1940, les derniers 500 millions quittèrent Bruxelles, également pour la Banque de France. Sans conteste, l’or norvégien, hollandais et belge, avait fait un long voyage…
Et la France ? La France aussi a eu quelques soucis avec son or, pendant le conflit de la Seconde Guerre Mondiale. Cinq jours avant l’armistice dans les ports de Brest et de Lorient, une flotte composée de croiseurs El Djezaïr, El Kantara, El Mansour, Ville d’Oran et Ville d’Alger, et commandée par l’amiral Cadart appareille pour Casablanca avec 1200 tonnes d’or français. Après une longue escale, le convoi repart pour Dakar. La cargaison d’or est débarquée puis entreposée à Thiès, d’où un train l’emmène à Kayes dans l’est du Sénégal. Les Français qui disposaient au total au moment de l’armistice de la somme formidable de 2 430 tonnes d’or, en avaient envoyé également 300 tonnes aux États-Unis à titre de réserve pour l’achat de matériel de guerre et 254 tonnes d’or, de l’Emile Bertin qui alla s’amarrer à la Martinique où l’or allait rester en dépôt jusqu’en 1946. L’une des raisons, sinon la principale, du raid anglo-gaulliste contre Dakar, le 14 septembre 1940, fut de récupérer l’or de Kayes. On sait que ce fut un échec.
Tous ces mouvements d’or opérés au cours de la Seconde Guerre Mondiale, quelque soit leurs destinations définitives, atterrirent pour l’essentiel, et malgré quelques déperditions, aux États-Unis d’Amérique. Ainsi en 1942 , les deux tiers de l’or du monde se trouvaient entreposés outre-Atlantique et l’Allemagne disposait de la quasi-totalité des réserves de l’Europe continentale.
Mais les Allemands devaient, eux aussi, connaître des problèmes avec leur or. En 1944, à l’approche des Soviétiques, la Reischsbank fit transporter ses réserves, cent tonnes d’or, dans la mine de sel de Merkers à 150 km à l’Ouest de Weimar, à 700 mètres sous terre. Fin mars 1945, l’armée américaine envahit la Thuringe. alors que les cheminots allemands en congé de Pâques retardaient de quelques jours l’exécution d’un ordre de tout ramener à Berlin, deux M.P. Américains prirent en autostop deux femmes allemandes qui cherchaient d’urgence une sage-femme. Pour remercier ces soldats de leurs gentillesse, les femmes leur confièrent qu’il y avait « quelque chose » dans la mine de Merkers. Les Américains envoyèrent une équipe en reconnaissance dans la mine où, le 9 avril 1945, ils découvrirent les 100 tonnes d’or. Les autres réserves avaient également quitté Berlin pour l’Alpenfestung, le réduit bavarois où Hitler envisageait une ultime résistance. Dans les derniers jours de la guerre, les trésors s’accumulaient dans cette région.
Quant à l’Italie, nul ne sait aujourd’hui avec précision combien d’or a disparu au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi lorsque Mussolini quitta Milan, puis Côme pour son dernier voyage où la mort lui avait donné rendez-vous, il avait avec lui 54 kg d’or en lingots, 31 kg en livres sterling, 16 kg de francs suisses, et 36 kg de devises étrangères, sans compter les pierres précieuses. Ce trésor fut, dit-on, confisqué par la Résistance qui avait grand besoin d’argent. C’est probablement vrai pour les livres, mais qu’est devenu l’or ?Dans cette région du lac de Côme, on montre un village qui fut construit en quelques années par des hommes qui n’en avaient pas les moyens avant le passage de la colonne dorée du Duce.
L’or et la guerre ont toujours eu des rapports ambigus… de conquête et d’amour à la fois.