Nous partons à la recherche de pays disparus, au sens de géographie politique et non physique. En d’autres mots, nous ne sommes pas à la recherche d’Atlantis, un endroit qui a littéralement disparu de la carte, mais plutôt d’entités politiques qui, à un moment ou un autre, ont eu leur propre monnaie. Mais, comme nous voulons être en mesure de bien identifier ces pays par rapport à la carte européenne actuelle, nous ne recherchons que les pays disparus aux XX e et XXI e siècles.
TCHÉCOSLOVAQUIE (1918-1992)
C’est le 18 octobre 1918 que, à la suite de la dissolution de l’Empire austro-hongrois, les Tchèques et les Slovaques s’unissent pour créer la République Tchécoslovaque.
Après l’invasion des Allemands, le 15 mars 1939, la Tchécoslovaquie perd les provinces de la Bohême et de la Moravie qui deviennent un protectorat allemand. Celles-ci reprennent leur place dans la République Tchécoslovaque en 1945.
En février 1948, les communistes s’emparent du pouvoir lors d’un coup d’État et forment une république populaire. Avec l’adoption d’une nouvelle constitution, en juin 1960, la Tchécoslovaquie devient une république socialiste. Les communistes sont renversés en décembre 1989 et la République Fédérale Tchèque et Slovaque est créée en janvier 1990. Le nationalisme slovaque continue son ascension et la Slovaquie déclare qu’elle désire se scinder en juin 1992. C’est en janvier 1993 que naissent la République Tchèque et la République Slovaque.
La première monnaie de la République Tchécoslovaque est émise en 1919 et est une monnaie provision créée de billets de la Banque austro-hongroise sur lesquels on a ajouté un timbre-poste (ou une surcharge qui imite un timbre-poste) de la nouvelle république. De nouveaux billets sont émis dès 1919. Les premières pièces, quant à elles, font leur apparition en 1923. On reconnait la monnaie de cette période à l’inscription REPUBLIKA CESKOSLOVENSKA. Les pièces arborent soit le lion tchécoslovaque (c’est-à-dire un lion à deux queues, couronné, rampant à gauche [le lion tchèque] sur lequel on a apposé l’écu slovaque [une croix de Lorraine sur une montagne]) ou les armoiries de la république.
L’inscription REPUBLIKA CESKOSLOVENSKA continue à être utilisée au temps de la République populaire.
On comprend que l’avènement de la République socialiste demande une révision de l’écu du pays. En effet, un lion couronné est dorénavant plutôt inapproprié. On change d’abord la forme de l’écu à un pentagone. On conserve le lion à deux queues rampant, mais on enlève sa couronne et le surmonte plutôt d’une étoile. Enfin, on remplace la croix sur l’écu slovaque par une flamme. C’est ce nouvel écu que l’on retrouve sur toutes les monnaies de cette période ainsi que l’inscription CESKOSLOVENSKA SOCIALISTICKA REPUBLIKA.
À l’avènement de la République Fédérale Tchèque et Slovaque, en 1990, on se dépêche de se départir des symboles communistes. On crée donc un nouvel écu partagé en quatre sur lequel on retrouve deux lions tchèques et deux écus slovaques, que l’on retrouve sur les monnaies émises dès lors. Les pièces de 1, 5, 10, 20 et 50 haleru ainsi que de 1, 2, 5 et 10 korun n’arborent que les initiales de la République (CSFR) tandis que les pièces de valeur supérieure portent l’inscription CESKA A SLOVENSKA FEDERATIVNI REPUBLIKA.
En résumé, on pourrait presque dire que la Tchécoslovaquie nous offre vraiment trois pays disparus qui, selon les monnaies, sont : la République Tchécoslovaque ; la République Socialiste Tchécoslovaque ; la République Fédérale Tchèque et Slovaque.
YOUGOSLAVIE (1918-2003)
C’est également à la suite de la dissolution de l’Empire austro-hongrois, que le Royaume de Serbes, Croates et Slovènes est créé le 1er décembre 1918 sous Pierre Ier de Serbie.
Le 3 octobre 1929, le pays change de nom et devient le Royaume de la Yougoslavie. Le pays est envahi par les forces de l’Axe en 1941. Après la guerre, le maréchal Tito, l’un des commandants des partisans maintenant au pouvoir, abolit la monarchie et crée la République fédérative socialiste de Yougoslavie le 31 janvier 1946. Cette république est composée de six régions : la République Socialiste de Bosnie-Herzégovine ; la République Socialiste de Croatie, la République Socialiste du Monténégro ; la République Socialiste de Slovénie ; la République Socialiste de Serbie (dans laquelle on retrouve les provinces autonomes de la Voïvodine et du Kosovo). La guerre éclate entre ces régions en 1991 et résulte en la création de nouveaux pays : la Bosnie-Herzégovine (qui comprend la République Serbe de Bosnie) ; la République de Croatie ; la République de Macédoine ; la République de Slovénie ; la République Fédérale de Yougoslavie.
En 2003, la République Fédérale de Yougoslavie devient la Communauté d’États de Serbie et Monténégro. C’est ainsi que le nom de Yougoslavie a disparu.
Comme en Tchécoslovaquie, la première monnaie du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes est une monnaie provisoire créée de billets de la Banque austro-hongroise sur lesquels on a ajouté soit un cachet, soit un timbre-poste ou les deux. Nous ne parlerons toutefois pas de son autre papier-monnaie.
Le premier monnayage de ce royaume, émis en 1920, ne compte que trois pièces : 5, 10 et 25 para. Elles sont toutes ornées des armoiries du roi et ont la particularité d’avoir la dénomination écrite en alphabets occidental et cyrillique.
Le monnayage suivant, émis en 1925 (frappé par la Monnaie de Paris), ne porte que des inscriptions en cyrillique et le buste du roi Alexandre Ier. On reconnaît ces pièces au nom du pays qui est en cyrillique.
Il n’y a eu qu’un seul monnayage pour le Royaume de Yougoslavie. On doit noter que les pièces de 25 et 50 para et 1, 2 et 50 dinara sont inscrites en cyrilliques alors que les pièces de 10 et 20 dinara utilisent l’alphabet occidental. On reconnaît les pièces de cette période à la légende KRAÔ˙EVINA ÔUGOLAVIΔA (en cyrillique) et KRALJ JUGOSLAVIJE (en alphabet occidental).
Après la Seconde Guerre Mondiale (1945), un monnayage de zinc est émis. Ce monnayage, composé de pièces de 50 para et 1, 2 et 5 dinara, est bilingue. En effet, l’avers est orné des nouvelles armoiries et du nom du pays en cyrillique (ÔUGOSLAVIÔA), alors que le nom des monnaies, au revers, est en alphabet occidental.
Bien que créée en 1946, la République Fédérative Socialiste de Yougoslavie n’émet un monnayage à son nom qu’en 1953 et 1955. Là encore, ces pièces sont bilingues. Les pièces de 1, 5 et 20 dinara sont inscrites en cyrillique à l’avers et en alphabet occidental au revers, alors que c’est l’opposé pour les pièces de 50 para, 2, 10 et 50 dinara. Le nom du pays sur ces pièces est FEDERATIVNA NARODNA REPUBLIKA JUGOSLAVIJA ce qui signifie République Fédérative Populaire de Yougoslavie.
À compter de 1965, le nom du pays sur les monnaies est SFR JUGOSLAVIJA qui signifie République Fédérative Socialiste de Yougoslavie. Ce nom sera utilisé jusque dans les années 1990. Le monnayage devient entièrement polyglotte en ce que le nom du pays (à l’avers) est toujours écrit en alphabets cyrillique et occidental. On fait de même pour le nom de la monnaie (au revers), toutefois il est écrit en quatre langues, par exemple, DINARA – DINARJEV – DINARA – DINARI.
Enfin, le monnayage de la République Fédérale de Yougoslavie, née en 1992, porte le nom de SR JUGOSLAVIJA et se compose de pièces de 1, 5, 10 et 50 para et de 1, 2, 5, 10, 50, 100 et 500 dinara et de 1 et 20 novi dinara. Ces pièces ne sont que bilingues.
En référence aux pièces yougoslaves, nous avons six pays disparus : le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes ; le Royaume de Yougoslavie ; la Yougoslavie ; la République Fédérative Populaire de Yougoslavie ; la République Fédérative Socialiste de Yougoslavie ; la République Fédérale de Yougoslavie.
UNION DES RÉPUBLIQUES SOCIALISTES SOVIÉTIQUES U.R.S.S. (1922-1991)
Après la révolution en Russie, la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie, créée par les bolcheviques de Lénine, se joint aux républiques socialistes soviétiques de Transcaucasie, d’Ukraine et de Biélorussie pour former l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
Dans les années 1980, Mikhaïl Gorbatchev met en place les politiques de glasnost et perestroïka qui mènent à la dissolution de l’U.R.S.S. Précurseur à l’U.R.S.S., la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie a émis des pièces millésimées 1921 et 1922. On les reconnaît grâce à une abréviation à l’avers.
On distingue également les pièces de l’U.R.S.S. grâce au nom abrégé du pays : CCCP. Les pièces émises après la dissolution de l’U.R.S.S. le sont par la Banque russe et sont identifiée de son nom.
BOHÊME ET MORAVIE (1939-1945)
Prélude de la Seconde Guerre Mondiale, les accords de Munich sont signés par l’Allemagne nazie, la France, le Royaume-Uni et l’Italie le 30 septembre 1938. Ils donnent à l’Allemagne la région des Sudètes, dont la population est majoritairement allemande. Celle-ci est annexée au Reich le 10 octobre suivant.
Quelques mois plus tard, le 16 mars 1939, Hitler proclame la création du Protectorat de Bohême et Moravie après avoir occupé le reste ces deux provinces et une partie de la Silésie.
Ce protectorat est dissout en 1945, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les provinces retrouvent alors leur place dans la Tchécoslovaquie.
La première monnaie à porter le nom de ce protectorat (PROTEKTORAT BÖHMEN UND MÄHREN en allemand et PROTEKTORAT CECHY A MORAVA en tchèque) est une monnaie provisoire, c’est-à-dire des billets tchécoslovaques de 1 koruna et de 5 korun surchargés soit à la main ou à la machine.
Les premiers billets propres au protectorat sont émis en 1940, on émet des billets en coupure de 1 koruna, 5, 50 et 100 korun. Des billets de 10, 20, 50, 500, 1000 et 5000 korun sont aussi émis de 1942 à 1944.
On frappe annuellement, de 1940 à 1944, des pièces de 10, 20 et 50 haleru et de 1 koruna. On reconnaît ces dernières au lion tchèque et la légende BOHMEN UND MAHREN et CECHY A MORAVA. Elles ont toutes été frappées de zinc, c’est donc dire que la majorité de ces pièces retrouvées aujourd’hui sont en piteux état.
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE ALLEMANDE (1949-1990)
Crée le 7 octobre 1949, la République Démocratique Allemande (communément appelée R.D.A. ou Allemagne de l’Est) disparait le 3 octobre 1990 lorsque, après l’effondrement du bloc communiste, elle se réunifie avec la République Fédérale Allemande (R.F.A. ou Allemagne de l’Ouest). C’est d’ailleurs le nom qu’a conservé cette Allemagne unie.
La première monnaie de l’Allemagne de l’Est est une monnaie provisoire. Il s’agit de billets allemands sur lesquels on a ajouté un timbre-poste qui confirme la valeur du billet. Mais ces billets ne portent pas le nom du pays. En fait, ce n’est qu’à partir de 1975 que les billets de la R.D.A. portent le nom du pays.
Les premières pièces de la R.D.A., émises au cours des années 1940 et 1950, n’arborent que le nom DEUTSCHLAND (Allemagne). Elles sont néanmoins faciles à différentier de celles de l’Allemagne de l’Ouest, car les monnaies de celle-ci arborent soit BANK DEUTSCHER LÄNDER (Banque de l’Allemagne) ou BUNDESREPUBLIK DEUTSCHLAND (République Fédérale Allemande). À compter des années 1960, les pièces est-allemandes portent toutes le nom du pays DEUTSCHE DEMOKRATISCHE REPUBLIK et ses célèbres armoiries qui associent les symboles des trois classes sociales unies par le régime communiste : le marteau pour le prolétariat ; le blé pour la paysannerie ; le compas pour les travailleurs intellectuels.