Le règne de Charles VII (1422-1461) est intimement lié à l’épopée de Jeanne d’Arc (1412-1431). Deux épisodes ont particulièrement marqué l’Histoire de France : le siège d’Orléans et le sacre du Roi à Reims. La création du Royal d’or est directement liée à cet événement…
Monnaies Royales par Gildas Salaün, responsable du Médaillier au Musée Dobrée à Nantes
Un petit sacre…
Compte tenu de la situation générale du Royaume en ce 17 juillet 1429, la cérémonie du sacre du Dauphin Charles s’est déroulée dans la plus grande simplicité. Pas de couronne, ni de sceptre et de globe, puisqu’ils sont à Saint-Denis, alors contrôlée par les Anglais… De plus, seuls trois pairs de l’Eglise assistent à la cérémonie : l’archevêque de Reims, Renault de Chartres († 1444), l’évêque de Laon, Guillaume de Champeaux († 1444), et l’évêque de Châlons, Jean de Sarrebruck († 1438). Mais le rite essentiel est accompli : le huitième sacrement, celui qui fait les Rois et les marque du signe sacré du pouvoir légitime, est alors conféré au Dauphin devenu Charles VII, faisant de lui le monarque légitime, représentant des Valois et authentiquement désigné par Dieu. Jeanne d’Arc peut alors rendre hommage à son Roi et lui déclarer “Gentil Roy, ores est exécuté le plaisir de Dieu qui vouloit que je levasse le siège d’Orléans, et que je vous amenasse en ceste cité de Rheims pour recevoir vostre Saint Sacre, en monstrant que vous estes vray Roy, et celluy auquel le royaulme de France doibt appartenir”.
… Mais un grand événement !
Mais, même si la cérémonie s’est déroulée en catimini, l’événement était d’une importance capitale. Aussi fallait-il faire savoir à tous qui était le nouveau Roi sacré et donner à l’événement le retentissement national qui lui revenait. A l’époque point de retransmission en mondovision, point de Stéphane Bern. Alors comment faire !? Commander l’exécution d’ouvrages enluminés : indispensables certes, mais de portée limitée… Le plus efficace, était la création d’une nouvelle monnaie, seul support réalisé en grand nombre, se diffusant partout et apte à propager largement un message aussi important : ce sera le Royal d’or.
Ce nouveau type est créé et massivement mis en circulation dès le 9 octobre 1429, soit moins de deux mois après la cérémonie du sacre.
A l’avers de cette large pièce d’or, le Roi prend toute la place ! Sur un champ de lis, Charles VII apparaît en majesté debout de face, couronné, vêtu du long manteau de sacre fleurdelisé et tenant, le plus souvent un sceptre dans chaque main, parfois un sceptre et une main de justice. Jadis moqué et affublé du simple titre de “Roi de Bourges”, Charles arbore désormais tous les symboles de son pouvoir souverain. La superbe composition graphique de cette pièce magnifie tout à la fois la fonction royale et la personne du Roi qui se retrouvent à présent confondues. La légende vient, comme une sentence, confirmer le statut du personnage représenté : + KAROLVS DEI GRA FRANCORV REX (Charles, par la grâce de Dieu, Roi des Francs).
Le revers, plus classique, offre une croix tréflée et feuillue avec un quadrilobe en coeur, le tout dans un quadrilobe fleurdelisé cantonné de petites couronnes royales. Autour, de manière habituelle, apparaît la légende + XPC VINCIT XPC: REGNAT: XPC: IMPERAT (Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande).
Une fabrication massive et pérenne
Tous les ateliers émettent simultanément le nouveau Royal d’or qui peut ainsi se diffuser aux quatre coins du Royaume pour annoncer que le Dauphin Charles est désormais Charles VII, “vray Roy, celluy auquel le royaulme de France doibt appartenir”, pour reprendre les mots de la Pucelle d’Orléans.
Toutefois, si tous les maîtres graveurs des ateliers ont bien appliqué les consignes permettant des représentations globalement identiques, il faut bien reconnaître une qualité très inégale dans les réalisations… Selon les ateliers, il arrive parfois que la majesté royale soit un peu maladroite… Mais qu’importe. Le message est transmis, et c’est bien là l’essentiel !
Le Royal d’or de Charles VII est ainsi l’exemple parfait de l’importance primordiale des monnaies comme “média” au Moyen Age.
Elles constituent le support privilégié de la propagande royale 1.
Par ailleurs, la fabrication du Royal d’or de Charles VII ne s’est pas arrêtée au bout de quelques mois. Elle s’est prolongée sur plusieurs années avec quatre émissions successives : 9 octobre 1429, 5 avril 1431, 15 septembre 1431 et 4 décembre 1431. Seules les deux premières se retrouvent assez fréquemment aujourd’hui encore, alors que les suivantes sont particulièrement rares.
Ainsi, le Royal d’or a fortement contribué à faire connaître le couronnement de Charles VII permis par la chevauchée victorieuse de Jeanne d’Arc. Nul doute qu’il a aussi participé au souvenir que l’on a conservé de cet événement. De plus, outre son lien à l’Histoire, avec un grand H, et malgré quelques maladresses techniques parfois, reconnaissons lui également sa très belle réussite esthétique.
C’est pour cela que, malgré une évidente abondance d’exemplaires encore disponibles aujourd’hui, cette pièce demeure assez chère et recherchée par les collectionneurs.
1 Voir Gildas Salaün, “Les monnaies gothiques, l’or et l’art au service des Rois”, Histoire et images médiévales, n° 36, février-mars 2011.