Le petit monde des collectionneurs de billets en euro (billetophiles) a été touché, ces dernières années, par plusieurs événements qui ont profondément modifié ce domaine de collection, sans toutefois lui retirer tout attrait aux yeux des collectionneurs, bien au contraire.
Dans les premières années de la mise en circulation des euro-billets, à partir de l’année 2002, les Banques Centrales Nationales ont assuré le recyclage de l’intégralité des billets en circulation.
LE PROCESSUS DE RECYCLAGE COUVRE PLUSIEURS OPÉRATIONS
> Tri des billets afin de retirer de la circulation, ceux qui sont endommagés ou contrefaits.
> Remplacement de ces billets retirés de la circulation par de nouveaux contingents de billets neufs prélevés dans les serres de la Banque Centrale Nationale compétente.
> Reconditionnement de l’ensemble des billets pour une nouvelle utilisation par le système fiduciaire des coupures triées.
L’EXEMPLE DE LA FRANCE
Par la décision de la Banque Centrale Européenne 2010/14 du 16 septembre 2010, le système de recyclage a été en partie confié aux établissements financiers qui se voient ainsi déléguer une partie importante du travail des BCN (Banques Centrales Nationales). On parle alors de recyclage externe (à la Banque de France en ce qui concerne notre pays / Rapport annuel de la Banque de France, année 2012. En effet, le but est de confier les fonctions de tri et de reconditionnement aux établissements financiers qui gèrent la monnaie fiduciaire en direct. Dans le cas de la France, la Banque de France a signé un certain nombre de conventions avec des établissements financiers afin que ceux-ci puissent procéder directement au recyclage des euro-billets.
La Banque de France ne signe toutefois une convention que si l’établissement financier considéré a obtenu un agrément qui certifie ses capacités techniques pour le recyclage des euro-billets. De plus, la Banque de France procède à des contrôles inopinés des établissements financiers « recycleurs ».
OBJECTIFS DE LA RÉFORME
Les objectifs qui ont motivé cette réforme sont multiples. Tout d’abord, le circuit de recyclage est beaucoup plus réduit, donc l’opération prend moins de temps. Le système fiduciaire y gagne en rapidité. Les liquidités reconditionnées sont rapidement remises en circulation. Mais la cause principale reste les économies d’échelle qui sont réalisées à cette occasion par les BCN. Les BCN vont considérablement réduire leurs coûts de fonctionnement et cela se traduit dans certains cas par des suppressions de postes, voire des fermetures de succursales. Ce fut le cas de la Banque de France, ce qui a engendré un mouvement social au sein de son personnel il y a 2 ans. D’autres comme la BUBA (Deutsche Bundesbank – BCN allemande) ont organisé une plate-forme automatisée de traitement des billets à Stuttgart (Rapport annuel de la Bundesbank – année 2012).
La Banque de France par exemple a signé 58 conventions avec des établissements financiers pour le recyclage des billets en externe. Cela représente un réseau de plus de 6000 DAB (distributeur automatique de billets). L’IEDOM (Institut d’Emission des Départements d’Outre Mer) a mis une procédure similaire en place pour les départements d’outre-mer dont il assure le « cash management ». La Banque de France continue de trier 60% des billets remis au circuit fiduciaire pour être recyclés. Et au final, en 2012, la Banque de France a détruit 1.36 milliard de billets jugés impropres à la circulation.
ET POUR LES COLLECTIONNEURS ?
Les incidences pour les collectionneurs sont loin d’être négligeables.
Il est à craindre que l’obtention de certains tirages soit plus difficile à obtenir pour les collectionneurs dans la mesure où la procédure de recyclage localisée, progressivement mise en place, va réduire le brassage et la répartition géographique des billets euro. Dans l’ancien système de recyclage, un billet traité pouvait se retrouver dans un DAB (ATM) à peu près n’importe où sur le territoire national sur lequel la BCN exerce sa mission. Dorénavant, ce billet circulera dans la zone géographique desservie par l’établissement financier recycleur. Donc une zone géographique beaucoup plus réduite que celle dans lequel agit une BCN. Cette évolution restera modérée par deux raisons principales.
Tout d’abord le « pooling » dans la production des billets euros subsiste. La répartition des billets sur la première mise en circulation restera donc géographiquement à l’échelle de l’Europe. Le billet aura une sphère de circulation plus restreinte ensuite lors des remises en circulation ultérieures par les établissements financiers recycleurs.
De plus, la mise en place de ce système est progressive et les BCN assurent partiellement encore le recyclage des euro-billets. Pour cette partie des billets recyclés, la répartition reste donc à l’échelle nationale.
Enfin, le tourisme va fortement modérer cette circulation restreinte dans l’espace des coupures euros. Par exemple des régions comme l’Île de France génèrent un fort brassage des coupures euro dû en particulier au tourisme de masse dont cette région bénéficie.
A noter qu’une étude de la Banque Centrale Allemande précise que les Allemands qui font du tourisme ont une très forte propension à utiliser des moyens de paiements cash (billets et pièces) plutôt que des cartes de crédits, des cartes de paiements ou des « travellers-chèques » (étude de la Bundesbank sur les comportements des citoyens allemands en matière de choix de mode de paiement, étude de 2010). La collection des billets euro restera donc tout à fait possible mais nécessitera un peu plus d’organisation et permettra le développement des échanges transnationaux entre collectionneurs européens. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi !