Baptisé ainsi par l’explorateur Christophe Colomb en 1502 qui pensait y trouver d’immenses richesses, le Costa Rica est un pays à part dans l’histoire de l’Amérique Latine. Mince bande de terre entre les Caraïbes et le Pacifique, pauvre en ressources, il a longtemps été délaissé par l’administration espagnole et n’a même pas eu besoin d’une guerre pour obtenir son indépendance. Pacifique, il n’a pratiquement pas connu de conflits contrairement à ses voisins durant le XIXe siècle puis la guerre froide. Enfin, aujourd’hui, alors que l’agriculture semblait être sa seule richesse, ce sont ses milieux naturels préservés qui en font l’une des principales destinations mondiales de l’écotourisme ! Sa monnaie porte encore le nom de son découvreur mais le dollar est bien souvent la devise utilisée sur place par les touristes essentiellement nord-américains.
Bien avant l’arrivée des Européens, la région du Costa Rica était peuplée d’Amérindiens dont les premières traces sont attestées environ 12000 ans avant notre ère. De petites civilisations se sont développées à partir du VIIIe siècle mais elles n’ont rien de comparable avec les grandes civilisations du Yucatan ou des Andes. Le pays ne dispose d’ailleurs pas d’un patrimoine amérindien important, si ce n’est une petite cité, Guayabo, abandonnée mystérieusement à la fin du XIVe siècle et d’encore plus mystérieuses boules de pierres parfaitement rondes et lisses dont on ignore encore les concepteurs et les techniques utilisées ! Les quelques tribus présentes sur le territoire montagneux du Costa Rica n’échappent pas aux traditions locales et n’hésitent pas à organiser des affrontements ayant pour unique but de capturer des esclaves et des victimes pour les sacrifices. Ainsi de jeunes vierges sont jetées dans les cratères des volcans après avoir été droguées à l’aide de plantes hallucinogènes.
Les Indiens de la région sont peu agressifs et n’hésitent pas à aller au devant des navires de Christophe Colomb qui explore alors les côtes de l’Amérique Centrale à l’occasion de son quatrième voyage entre 1502 et 1504. Il pense alors avoir découvert un territoire riche en minerais précieux et vante les mérites de son exploration à son souverain espagnol en qualifiant cette terre de « costa rica ». En réalité, il n’y a pas de mines et les plaines littorales sont peu accueillantes. Les Indiens vivent sur les plateaux et les quelques tentatives d’implantation de colons échouent à cause des maladies et des affrontements avec les Indiens des montagnes. L’explorateur Coronado est le premier à véritablement développer quelques plantations et à fonder une cité sur les plateaux, à Cartago, en 1564 mais durant les trois siècles qui suivent, la colonie est délaissée et échappe même au fameux système des haciendas qui favorisaient les grands propriétaires espagnols et l’arrivée d’esclaves. Les Indiens sont donc relativement protégés et les rares Européens qui s’installent deviennent directement de petits cultivateurs autonomes.
Le manque de monnaie est alors criant, peut-être encore plus que dans d’autres provinces, et l’usage de fèves de cacao déjà utilisées par les Indiens, est toléré par les autorités à des fins monétaires en 1709 ! En 1821, le Costa Rica bénéficie du soulèvement des autres provinces pour obtenir son indépendance vis-à-vis de la couronne espagnole mais il est aussitôt intégré de force dans le projet d’empire du dictateur mexicain Augustin Iturbide. Une petite guerre civile éclate entre les commerçants conservateurs de Cartago, partisans du Mexique et les petits propriétaires libéraux de San José favorables à l’indépendance. Ces derniers obtiennent la victoire et le transfert de la capitale à San José en 1824. Le Pays rejoint alors les Provinces Unies d’Amérique Centrale et commence à prospérer grâce au développement de la culture du café. Les petits propriétaires s’enrichissent et attirent bientôt une main d’oeuvre plus nombreuse qu’il faut salarier en l’absence d’un héritage esclavagiste ! La fédération se révélant inefficace à pallier les problèmes structurels du pays, Braulio Carrillo se proclame Président de la Nouvelle République Indépendante en 1838 et ordonne aussitôt l’émission de 30 000 pesos en pièces de 5 et de 10 pour répondre aux besoins urgents de la population pour toutes les opérations de commerce et de paiements des salaires. Ce sont les premières pièces émises par le Costa Rica qui dépendait jusqu’à présent des ateliers monétaires du Mexique, du Vénézuela ou de Bolivie.
L’essor de l’économie du café permet au pays de se doter de nouvelles infrastructures comme des lignes de chemin de fer pour desservir le port et faciliter les exportations. Ces installations permettent enfin au pays d’attirer les investisseurs étrangers comme la célèbre United Fruit Company américaine qui développe la production de l’ananas, dont le pays est encore le 7e exportateur mondial aujourd’hui ! Disposant ainsi de ressources suffisantes, le pays peut commencer à se moderniser et pour ne pas faire comme les autres il met l’accent dès le départ sur l’éducation. Ainsi, l’école gratuite et obligatoire est instituée dès 1869… bien avant nos lois Ferry ! Et la démocratisation du pays s’engage rapidement dans ce processus avec les premières élections libres organisées en 1889 sans violence, sans coup d’état militaire et pratiquement sans corruption. Ce gouvernement républicain est alors le premier à décider de doter le pays d’une monnaie souveraine. Déjà les premières banques ont été autorisées à émettre des pesos en 1858, à présent il s’agit de frapper une nouvelle monnaie, baptisée « colon » en l’honneur du célèbre explorateur dont c’est le nom en espagnol, qui doit être échangée avec une parité parfaite avec le traditionnel peso afin de faciliter la mise en circulation. La décision est ainsi prise en 1896 mais les premières pièces ne sont frappées qu’en 1897. Ce sont des pièces de 2 à 20 « colones » en or tandis que les centimos d’argent font leur apparition à la veille du tournant du XXe siècle.
D’ailleurs, pour accélérer la mise en place de cette petite monnaie et ne pas trop amputer sur le budget national pour la frappe des pièces, toutes les banques disposant de fonds supérieurs à 1 million de colones sont autorisées à émettre leurs propres pièces et billets à partir de 1900. Chaque émission se distingue alors simplement par des initiales gravées ou imprimées. Quatre banques émettront ainsi jusqu’en 1914. Le Costa Rica échappe également à la Première Guerre Mondiale mais il n’échappe pas à la terrible crise de 1929. En effet, une partie des investisseurs américains qui contribuaient au développement du pays sont ruinés et le cours des productions de café et d’ananas s’effondre. Le Costa Rica entre alors dans une courte phase de crise.
LE PREMIER PAYS DÉMILITARISÉ !
Dans les années 30, le système du gold exchange standard est abandonné et de nouvelles pièces en métal vil sont frappées. Ainsi, le cupronickel remplace l’argent ou le bronze, les centimes commencent à disparaître et la valeur faciale des billets augmente. Mais contrairement à d’autres pays où des régimes autoritaires populistes font leur apparition, le président Caldéron profite de l’influence américaine de Roosevelt pour lui aussi lancer un programme de relance économique et de réformes sociales. Les dépenses publiques et la dette explosent mais le modèle original social du pays est préservé. Après un incendie, les élections de mars 1948 sont annulées, le général-président, Teodoro Picado refuse de quitter le pouvoir, c’est alors qu’éclate une brève guerre civile de 44 jours entre les forces armées de libération nationale de José Figueres Ferrer et le gouvernement. Vainqueur, Figueres rédige aussitôt une constitution et s’engage à organiser des élections libres au suffrage universel… et il tient parole ! Il laisse la place au président élu, le libéral Otilio Ulate, met en place un nouveau système éducatif qui encourage les études supérieures et surtout… il supprime tout simplement l’armée nationale ! Le Costa Rica est le premier pays a se passer d’une armée. Il gagne alors le surnom de Suisse d’Amérique Centrale, non pas pour son secret bancaire, mais pour son pacifisme et sa neutralité salués depuis le début du XIXe siècle.
Figueres devient très populaire et obtient par deux fois la présidence en remportant les élections de 1953 puis de 1970. En 1974, à la fin de son mandat, le pays entre dans une nouvelle période de crise économique liée au contexte international comme la hausse du prix du pétrole ou la baisse du dollar américain. Le pays s’engage alors à nouveau dans une politique originale en encourageant la construction de barrages hydro-électriques permettant l’autosuffisance énergétique du pays et la préservation de vastes réserves naturelles contre la déforestation. La monnaie nationale n’en subit pas moins la crise et les centimes disparaissent peu à peu tandis que les grosses coupures font leur apparition avec des billets de 500 puis 1000 puis 5000 colones entre 1973 et 1992. Entre temps, le Président Oscar Arias Sanchez s’illustre en remportant le prix Nobel de la paix en 1987 pour son action décisive dans les négociations de paix entre les différents belligérants des guerres civiles affectant le Nicaragua, le Honduras, le Guatemala et le Salvador. Comme beaucoup de pays d’Amérique Latine, le Costa Rica connaît une crise inflationniste dans les années 90, mais elle reste relativement contenue et aucune réforme monétaire n’est à engager. La banque centrale lance simplement des coupures de 10 000, 20 000 puis 50 000 colones tandis que les pièces de 500 font leur apparition.
Le pays sort très vite de la crise, dès 1997, grâce au développement de l’industrie et du tourisme. Aujourd’hui encore les élections se déroulent librement au Costa Rica et le pays est réputé pour sa stabilité et son très faible taux de corruption. Ce sont d’ailleurs ces atouts indéniables qui attirent les investisseurs étrangers comme les prestigieuses compagnies Intel, Procter et Gamble ou Abbott qui n’hésitent à délocaliser dans le pays pour profiter du faible coût d’une main d’oeuvre très qualifiée grâce à un niveau scolaire élevé. Ces entreprises de hautes technologies bénéficient également de la localisation stratégique du pays et de zones détaxées mais elles permettent surtout au pays de connaître un nouveau développement sans dépendre des exportations de matières premières et de rehausser le niveau de vie, devenu l’un des plus élevé d’Amérique Latine. L’intégration du pays dans l’Accord de Libre Echange d’Amérique Centrale puis dans l’Association de Coopération Asie Pacifique en 2007 permettent à l’économie costaricaine de devenir l’une des plus dynamiques de la région, classée 4e en 2012 par le CIA Factbook.
L’exportation de produits agricoles qui apparaissait comme l’unique source de devises du pays jusque dans les années 70 est désormais reléguée bien loin derrière l’industrie de haute technologie et l’écotourisme. En effet, le Costa Rica apparaît comme l’un des berceaux de cette forme de tourisme très en vogue actuellement. Les premiers projets datent du début des années 90 et encore aujourd’hui, malgré sa taille modeste et ses moyens limités, le pays est considéré comme le 5e mieux classé en terme de performance environnementale. Il attire près de 2,5 millions de touristes chaque année alors qu’il n’en recevait qu’un demi million au début des années 90. Les premiers touristes étaient des universitaires venus observer l’incroyable biodiversité de la région, bien préservée contrairement à la situation des voisins d’Amérique Centrale, car plus de 25% de la surface nationale est protégée sous forme de parcs et de réserves depuis les années 70 et la plupart des terres appartiennent à de modestes propriétaires qui ont compris le profit qu’ils pouvaient tirer de l’écotourisme plutôt que de l’agriculture intensive. Les riches touristes nord-américains ou européens, attirés par la nature d’avantage que par les belles plages du Pacifique, sont émerveillés et dépensent sans compter en pensant être des privilégiés.
Les devises étrangères sont tellement abondantes que le dollar américain est devenu une monnaie courante dans tous les points touristiques du pays. Le gouvernement a d’ailleurs été contraint de changer de politique monétaire en 2006 en abandonnant sa cotation fixe avec le dollar. C’est désormais une monnaie « flottante » mais dont le taux de change avec le dollar ne doit jamais dépasser une certaine cote réajustée chaque mois. Les billets du Costa Rica méritent pourtant l’intérêt des touristes puisqu’ils représentent les principales espèces typiques du pays ainsi que les personnages historiques. Chaque billet est d’une couleur et d’une dimension différente, 7mm de plus par valeur supérieure, afin de faciliter l’utilisation pour le plus grand nombre. Les billets les plus courants de 1000 colones, sont en polymère pour éviter l’usure et limiter la fraude. D’autres devraient suivre avec de nouvelles mesures anticontrefaçon votées en 2012. Plusieurs d’entre eux portent des surnoms comme « le rouge » pour le billet de 1000 colones ou le « toucan » pour celui de 5000. Le colon sous sa forme de pièce est aussi appelé couramment « cana » par les habitants. Il faut donc sans doute un peu d’habitude au touriste qui doit payer un rouge, un toucan et 50 canas !!!