Tous les billets en usage au Costa Rica seront bientôt en polymère, c’est ce que la Banque Centrale avait annoncé le 23 juillet tandis que la pandémie affectait sévèrement l’Amérique Centrale, et c’est ce qu’elle vient de confirmer le 11 novembre dernier lors d’une conférence de presse. Les nouveaux billets de 20000 colons sont donc sortis le 26 novembre, suivis par l’introduction des nouvelles coupures de 2000 et 5000 colons le 1er décembre. Pour compléter la série, les nouveaux billets de 1000 et de 10000 colons devraient sortir en ce début d’année 2021 tandis que ceux de 50000 ne seront pas renouvelés et vont être progressivement retirés de la circulation.
Le projet de renouvellement des billets et d’adoption du substrat polymère n’est pas nouveau puisqu’il date de 2011 et avait été envisagé à l’occasion d’un vaste plan de réforme et de modernisation des moyens financiers du Costa Rica. Le polymère est jugé plus résistant, quatre fois plus durable et surtout recyclable à 100%. Il répond à la fois aux attentes économiques, son coût de revient sur la durée d’utilisation est plus rentable que celui du coton, et aux attentes écologiques, le Costa Rica misant beaucoup sur ses parcs nationaux pour développer le tourisme durable, et sécuritaires car les nouveaux moyens anti-contrefaçons sont plus sûrs que sur les versions en coton.
L’introduction du nouveau billet de 1000 colons en polymère en 2014 a d’ailleurs servi de test. Son succès permet donc aujourd’hui de conforter les autorités dans leur choix d’investir 20.7 millions de colons pour l’achat de près de 230 millions de billets en polymère. La Banque Centrale souhaite ainsi offrir à la société des billets plus sûrs qui respectent l’environnement. Cette importante réforme, révisée en 2017, vise à démontrer la modernisation du pays et à soutenir le nouvel élan économique amorcé au début des années 2000. Pourtant, à l’origine, le Costa Rica n’est pas le territoire couvert de richesses que Christophe Colomb avait promis à son souverain après avoir brièvement exploré ces côtes lors de son quatrième voyage en 1502. Bien au contraire, cette colonie espagnole a longtemps été délaissée car elle n’offrait ni minerais, ni terres agricoles intéressantes jusqu’au XIXe siècle. Les nouvelles techniques ont alors permis le développement de la production du café et de l’ananas. Devenu indépendant sans coup férir à l’occasion de la proclamation d’indépendance des autres provinces d’Amérique Centrale en 1821, ce modeste territoire est alors dirigé par les petits propriétaires qui luttent pour développer leurs productions.
L’absence de richesses à convoiter permet au pays d’échapper aux troubles politiques régionaux : dictatures, guerres civiles et corruption. Seuls les investissements étrangers, et notamment ceux de la fameuse « United Fruit Company » américaine, permettent au pays de devenir le principal producteur d’ananas au début du XXe siècle. Cette influence américaine permet au jeune état de développer ses infrastructures de transport, de moderniser son économie et de réformer sa société, notamment en misant sur l’éducation pour tous et la démocratisation. L’école y est ainsi gratuite et obligatoire depuis 1869 et aujourd’hui encore, le niveau d’éducation est l’un des principaux atouts du pays pour attirer les entreprises modernes comme Intel, Procter ou Abbott. Le Costa Rica n’est cependant pas dépendant des Etats-Unis et dès 1896, les autorités avaient choisi de se doter d’une monnaie souveraine originale, baptisée « colon » en l’honneur du célèbre découvreur du pays. Cette dernière est une monnaie « flottante » dont le cours ne dépend pas exclusivement de celui du puissant dollar américain. Les gouvernements récents ayant choisi d’orienter le développement économique du pays vers des secteurs modernes et prometteurs comme les nouvelles technologies et l’environnement, ils bénéficient désormais d’une économie saine, stable et relativement prospère comparée à celles des états d’Amérique Centrale et des Caraïbes. Pour conserver son attractivité dans l’agriculture, l’écotourisme et les industries de haute technologie, le pays se doit de disposer d’une monnaie sûre, stable et durable, fruit d’une réflexion sur la modernisation de la monnaie entamée en 2011 avec l’introduction du nouveau billet de 1000 colons en polymère. Cette valeur étant alors la plus utilisée, elle permet aujourd’hui de vérifier les hypothèses de sécurité et de durabilité de cette technologie et de valider l’introduction des autres valeurs de billets désormais réformés. A chaque valeur correspond une dimension et une couleur différente afin de faciliter l’usage auprès des populations les plus pauvres et parfois illettrées. Ainsi, 7 mm de longueur séparent chaque valeur de billet et des impressions en surépaisseur permettent aussi aux malvoyants de les distinguer. Ces nouvelles émissions en polymère conservent toutes les formes, les dimensions, les couleurs et les apparences des billets en coton actuellement en circulation. En revanche, ils comportent de nouvelles mesures de sécurité qui varient selon les valeurs faciales. Le principe adopté est celui du « toque, mire y tire » qui permet aux utilisateurs de contrôler aisément l’authenticité de chaque billet. Ainsi, les billets de 1000 à 5000 colons comportent des points en relief et au moins un élément tactile, le plus souvent le portrait. Puis, en regardant les billets en transparence, on peut apercevoir des éléments dans la fenêtre holographique. Enfin, en inclinant les billets on peut voir des éléments changer de couleur du vert au bleu notamment au niveau de la petite carte du pays et de la bande holographique. Les deux billets de valeur supérieure, de 10000 et de 20000, comportent des éléments supplémentaires qui apparaissent dans cette même bande avec des effets de couleur plus complexes ainsi que la valeur faciale et les initiales de la Banque Centrale, BCCR.
Le plus petit, le billet de 1000 colons, de couleur dominante rouge, représente le Président Braulio Carrillo Colina qui contribua à la modernisation du pays entre 1835 et 1842. Son portrait est accompagné des armoiries de l’Etat tandis que le revers est consacré au cerf à queue blanche et à un arbre emblématique, le guanacaste. Ce billet a été le premier à adopter la technologie du polymère et il a prouvé son efficacité en étant le seul à n’avoir jamais été falsifié depuis, mais il sera tout de même renouvelé en ce début d’année 2021 pour adopter les mêmes codes de sécurité que les autres billets. Le 1er décembre dernier, ce sont les deux valeurs suivantes, de 2000 et de 5000 colons, 7 mm plus longue chacune, qui ont été mises en circulation. Le billet de 2000, de couleur dominante bleue, rend hommage à un avocat et homme politique costaricien qui fut aussi le directeur de la Banque Centrale au moment de l’introduction du colon dans les années 1890, Mauro Fernandez Acuna. Il apparaît devant le Collège Supérieur pour Femmes, qui symbolise bien la priorité nationale qui fut accordée à l’éducation dès la naissance du Costa Rica. Le dos du billet est là encore consacré à deux espèces de la faune marine typique du pays, le requin bouledogue et la tortue marine. Le billet de 5000 colons, lui, de couleur dominante jaune, représente le portrait d’Alfredo Gonzales Flores, Président du Costa Rica de 1914 à 1917. Il apparaît devant le siège de la Banque Centrale. Au revers, c’est le singe à tête blanche, l’araignée de mer, le crocodile et le magnolia qui se partagent l’affiche pour représenter les espèces emblématiques du pays. Le billet de 10000 colons, qui sortira courant 2021, est de couleur dominante verte et rend hommage au restaurateur de la démocratie après la courte guerre civile de 1948, le Président José Figueres Ferrer qui fut réélu à trois reprises dans les années 50 et 70. Ce fervent pacifiste s’est illustré en mettant fin à la brève guerre civile dans son pays mais aussi en contribuant aux négociations de paix entre les différents belligérants des conflits marquant les Etats voisins du Nicaragua, du Guatemala ou du Salvador. D’ailleurs, une scène symbolique est représentée, celle d’un soldat assistant au premier coup de massue porté contre le mur d’une caserne à l’occasion de l’adoption de la loi sur la suppression de l’armée nationale, le 1er décembre 1948. Le dos du billet est encore une fois consacré aux espèces endémiques comme l’orchidée, le champignon coupe, le toucan et le paresseux à trois doigts. Mais c’est finalement la plus grosse coupure qui est apparue en premier puisque c’est le 26 novembre que le nouveau billet de 20000 colons a été mis en circulation. De couleur dominante orange, il est à l’effigie de Carmen Lyra, célèbre écrivaine du pays qui vécue entre 1887 et 1949, proclamée « bienfaitrice de la patrie » en 1976 pour son combat en faveur des droits des femmes. Son portrait apparait avec en toile de fond l’illustration de la première édition de son fameux livre « los cuentos de mi tia Panchita ». Le revers est consacré au colibri scintillant et au lapin. Comme indiqué précédemment, il n’y aura pas de nouvelle édition de 50000 colons puisque la Banque Centrale a décidé de retirer progressivement cette valeur de la circulation. Cette institution n’a pas non plus fixé de date pour le retrait des billets en coton. Le contexte de la pandémie a en effet généré une forte demande de billets, soit près de 200 millions de plus qu’en temps normal, les habitants préférant détenir des liasses de billets à disposition pour acheter les biens de première nécessité plutôt que de ne pas pouvoir aller les retirer à la banque ou à défaut de pouvoir utiliser sa carte de crédit. La mise en circulation des 230 millions de nouveaux billets permet donc d’apporter une réponse supplémentaire à ce besoin populaire en attendant la fin de la crise.