Les chasseurs vous parleront des plus belles pièces qu’ils ont rapporté. Les numismates peuvent parfaitement en faire autant ! Car, depuis la nuit des temps, les frappeurs de monnaies ou de médailles ont été inspirés par le gibier.
UN USAGE MULTI-SÉCULAIRE
Dès l’Antiquité, des motifs de chasse ont orné les revers de certaines monnaies, principalement en argent. Tout d’abord, l’animal apparaît comme un prédateur menaçant, un concurrent s’attaquant au gibier ou aux bêtes d’élevage. C’est sans doute la raison pour laquelle les premières scènes de chasse représentées sont observées chez les animaux. Ainsi, la cité grecque d’Acanthe, en Macédoine, frappe, dès le Ve siècle avant J.-C. des tétradrachmes (grosses monnaies d’argent d’environ 17 grammes) montrant un lion terrassant un taureau. A la même époque, en Sicile, la ville d’Agrigente représente sur ses monnaies un aigle qui dépèce un lapin entre ses serres.
Mais, le plus souvent, ce sont des dieux ou des animaux les symbolisant que l’on peut retrouver dans la typologie monétaire. Et on y rencontre aussi parfois des chasseurs. C’est le cas, par exemple, sur une pièce de Ségeste, autre ville sicilienne. Le dieu Krimiros, protecteur de la cité, apparaît sous les traits d’un chasseur debout, portant deux lances. Représenté nu, il est néanmoins porteur d’un manteau sur son bras gauche et il est accompagné d’un chien.
Cet usage se poursuit chez les Gaulois qui, eux, vont représenter l’espèce sans doute la plus traquée à l’époque: le sanglier. C’est un animal sur la défensive, l’échine hérissée, qui est représenté sur une monnaie d’Avenion, frappée par les Cavares, tribu de la vallée du Rhône, vers le Ier siècle avant J.-C. Les Allobroges, quant à eux, ont préféré le chamois dont ils ont gravé un spécimen bondissant.
L’abondante production des monnaies de la période romaine n’est pas indifférente aux thèmes relatifs à la chasse et aux animaux qui en sont l’objet. Certaines émissions sont plus particulièrement intéressantes comme, par exemple, les monnaies de Philippe l’Arabe, frappées au milieu du IIIe siècle. Elles présentent un très large choix de la faune sauvage de l’Empire, de l’Afrique à l’Europe : antilopes, cerfs, daims, chevreuils, bouquetins, élans… Gallien fait, à la même époque, frapper à Rome une abondante série dite « du bestiaire » en raison du nombre d’animaux qu’elle illustre.
MONNAIES, SCEAUX ET MÉDAILLES
Pendant la période médiévale, l’art de la monnaie s’est considérablement appauvri et même les représentations royales sont très stylisées. C’est désormais plutôt dans les sceaux que s’exprime, en fait, l’art de la gravure. Ils montrent, le plus souvent, des armoiries ou des chevaliers en armes. Paradoxalement, c’est sur le sceau d’une dame, Marie, duchesse de Bourgogne, qu’en 1477 nous trouvons une scène de chasse au faucon : la fille de Charles le Téméraire, montée sur un cheval harnaché à ses rames, tient l’oiseau sur son poing gauche, tandis qu’un chien l’accompagne.
Autres exemples : le sceau de la prévôté de Saint-Germain-en-Laye montrant un chasseur à cheval perçant un cerf de son glaive (XVIe siècle) ou encore ce sceau néerlandais de 1295 représentant Philippe de Wassenaar debout, tenant deux chiens d’une main et un épieu de l’autre. Si les scènes de chasse sont assez rares, les représentations de gibier sont, en revanche, beaucoup plus fréquentes : le chevreuil sur le sceau d’Enguerrand de Montchevreuil (1233), le cerf sur celui d’Arnaud de Cervole (1353), le sanglier sur celui de Rodolphe de Ramsberg (Saxe, 1163)…
Avec la Renaissance, on va voir apparaître un nouvel art : celui de la médaille. La technique de fabrication manuelle, utilisée depuis l’apparition de la monnaie métallique, ne permettait pas de frapper de larges surfaces. C’est donc par la fonte que seront fabriquées les premières médailles qui apparaissent en Italie et sont dues à un artiste « complet » (puisqu’il fut en même temps peintre, dessinateur et médailleur) nommé Antonio Pisano dit « Pisanello ». On possède de cet artiste de nombreuses médailles d’inspiration animalière, mais aussi beaucoup de dessins d’études de chiens, de faucons, de lièvres ou de canards, de cerfs ou d’aigles… réalisés dans la première moitié du XVe siècle. Notons, en particulier, le revers d’une médaille dédiée à Alphonse d’Aragon, qui présente un jeune homme nu, attaquant à la dague de chasse un sanglier, serré par un chien. Cet art nouveau connut un succès foudroyant et fut abondamment imité par d’autres artistes italiens avant de se répandre dans toute l’Europe. Avec le progrès technique, la frappe mécanique, le phénomène s’amplifia car une médaille était désormais reproductible à loisir sans, pour autant, en affecter la qualité. Cet art fut, tout d’abord, réservé aux princes.
Louis XIV était, à la fois, passionné de chasse et de médailles. Les services de Vénerie de la Maison du Roi eurent donc droit à des émissions de jetons (médailles de petit module pouvant également servir de moyen de paiement) portant le plus souvent un cerf, que l’on rencontre également, pour d’autres raisons, sur des jetons des Officiers des Cuisines. Le faucon de chasse est aussi fréquemment représenté, comme sur un jeton des Galères de 1747 ou sur celui aux armes d’Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse et amiral de France (1727). Un chien des chasses de la Varenne du Louvre (1782) alors que le cerf de Saint Hubert orne celui de la Communauté des Fondeurs (1763).
En ce qui concerne les monnaies, stricto censu, on rencontre parfois des animaux sauvages. C’est le cas du cerf qui orne les pièces des comtes prussiens de Stolberg ou de l’ours sur celles de Berlin, d’Anhalt.
ET AUJOURD’HUI ?
Napoléon profita largement de cet art pour célébrer ses hauts faits. Les scènes guerrières sont encore très largement majoritaires mais on y rencontre néanmoins de nombreuses scènes relatives à la chasse. A partir du XIe siècle, la médaille se popularisera de plus en plus et ses sujets s’accordèrent davantage au goût et à la demande du public. On peut réellement parler d’une thématique de la chasse, abondante et diversifiée, d’autant que certains ont fait de l’animal le thème essentiel, voire unique, de leur oeuvre. Et l’on voit des animaux, le plus souvent médaillés, avec un souci d’observation, une minutie inspirée et sensible, et une grande force de suggestion.
La déesse de la chasse, Artémis pour les Grecs et Diane pour les Romains, célébrée dans l’Antiquité sur les monnaies, inspire de nombreux artistes comme Paul Belmondo ou Albert Decaris, très connu par ailleurs pour son abondante production de timbres. Elle est généralement présentée avec ses attributs divins : son arc et un cerf. Saint-Hubert, patron des chasseurs, a pris le relais de la mythologie dans le panthéon des catholiques.
Tous les types de chasse ont inspiré les artistes. La chasse à courre en est un, symbolisée par le cerf, le cor ou une scène de curée. Jean Joachim a consacré une médaille exceptionnelle à Jean-Baptiste Oudry, peintre des chiens de chasse de Louis XV. On trouve aussi, plus rarement cependant, une typologie relative à la fauconnerie, comme sur la médaille du musée de Gien.
Autre exemple, 1981, la Bulgarie, qui accueillait la « World Hunting Exposition » émettait trois monnaies en cette occasion : une d’une valeur faciale de 1 Leva portant un avant de cerf de profile stylisé, une seconde de 2 Leva montrant un ancien chasseur avec son faucon perché sur son bras et une de 5 Leva montrant, au revers, un trophée de chasse.
En 2011, la Monnaie de Pologne a frappé pour le Malawi une étrange pièce rectangulaire à coins arrondis d’une valeur faciale de 20 Kwachas consacrée à l’art de la chasse. Un chien d’arrêt y est représenté ainsi qu’un épisode montrant un éléphant chargeant deux chasseurs.
En 2013, la Monnaie Royale du Canada frappe une pièce de 5 dollars consacrée à la chasse traditionnelle au daim avec un arc et une autre, de 20 dollars consacrée au loup. Et, souvenez-vous, en 2007, ce 1 ½ euro de la Monnaie de Paris montrant, sur son revers, un retour de chasse d’Asterix et Obelix, chargés de sangliers !
Plus récemment, la chasse à tir a fait l’objet de nombreuses médailles, alliant chasseur et gibier. Parmi ces derniers, deux reviennent plus souvent : le lapin et le sanglier. Mais le trait est parfois satirique. Sur celle intitulée « chasseurs chassez chasser », de Pierre Peltier, le chasseur et son chien cherchent derrière eux le lièvre qui leur file entre les jambes ! Le chien est, lui aussi largement présent dans ce bestiaire et, presque toujours, accompagné de son gibier de prédilection. C’est ainsi que Lucien Gibert a créé une série de médailles pour la Monnaie de Paris exclusivement consacrée aux chiens de chasse. Le pointer y est associé au lièvre, le setter au canard col-vert, l’épagneul à la perdrix, le cocker à la bécasse et le braque allemand au faisan. Les amateurs de chasses lointaines pourraient également découvrir dans la médaille l’objet de leurs quêtes. Elles vous emmènent au cœur des forêts exotiques ou de la brousse africaine. Les lions y côtoient les rhinocéros, les girafes ou les crocodiles. Mais c’est là un tout autre sujet…