Par Serge Wiotte
Après avoir fait un tour d’horizon des 2 euros commémoratives en général, abordons le cas particulier de quelques-unes qui furent soit retoquées, soit annulées et qui ont pour le moins marqué l’histoire récente de la numismatique.
DÉMONSTRATION
Il est évident que les instituts d’émission n’ont pas pour habitude de rendre public les projets qui n’ont pas été approuvés par la Commission Européenne. Mais grâce à quelques indiscrétions, il arrive parfois que quelques informations fuitent. Il est donc indispensable, pour la petite histoire de la numismatique Euro, de connaître au moins celles qui ont été dévoilées. Pour les autres, le Vatican par exemple dont on sait sans en avoir le détail que certains visuels ont été modifiés sur demande de la Commission Européenne, espérons que le voile tombe un jour.
L’anecdote & le petit plus
France 2 euros commémorative nationale 2008, 50e anniversaire de la Ve République
Cette information n’a jamais été confirmée, même si un visuel a circulé. Ce projet n’est cependant pas impossible, car la Monnaie de Paris émettra cette année-là une série de monnaies argent et or sur ce thème. C’est aussi en 2008 que l’institut émetteur frappera sa première 2 euros commémorative nationale, mais le thème sera dédié à la présidence de l’Union Européenne. Pour rappel en 2008 il était possible de n’émettre qu’une seule 2 euros commémorative par an, c’est donc celle dessinée par P. Starck qui sera émise. Car la Présidence française avait pris très au sérieux cette responsabilité au niveau européen.
Malte 2 euros commémorative nationale 2012, Histoire constitutionnelle : représentation majoritaire de 1887
Le dessin du projet a circulé, puis suite à des remarques, un second dessin a été présenté et c’est finalement une troisième image qui sera adoptée définitivement.
Belgique 2 euros commémorative nationale 2013, 100e anniversaire du Tour des Flandres
Cette pièce dont l’image a circulé, a été retirée. Une 10 euros sur ce thème a bien été frappée, mais pas cette 2 euros. Pourtant il était possible d’émettre une seconde 2 euros commémorative, ce retrait reste un mystère.
Luxembourg 2 euros commémorative nationale 2013, Relève de la garde
Cette pièce dont l’image a circulé, mais dont l’origine n’est pas certifiée, ne verra jamais le jour. Il n’est pas impossible que cette annonce soit une fausse information, même si beaucoup ont cru à ce projet.
Slovaquie 2 euros commémorative nationale 2013,
1150e anniversaire de la mission byzantine de Saint Cyrille et Saint Méthode en grande Moravie
La Commission Européenne et certains autres États membres ont demandé à la BNS (Mint Slovaque) d’enlever les symboles religieux du projet (en particulier les auréoles des saints et les croix sur la toge). Après discussion la monnaie sera acceptée dans sa forme initiale, les auréoles devenant des halos et compte tenu de la présence de la double-croix, déjà présente sur la 2 euros nationale, les petites croix ont finalement été acceptées. Cette fois-ci, les arguments des dirigeants de l’institut émetteur ont été entendus. Même si cette pièce n’a pas été annulée ou retoquée, cette anecdote est quand même à ranger dans l’historique des 2 euros commémoratives.
Belgique 2 euros commémorative nationale 2014, 100e anniversaire du début de la Première Guerre Mondiale.
Cette pièce à bien été émise et c’est un paradoxe, car plus tard la Commission Européenne refusera plusieurs projets, de plusieurs pays, qui avaient émis l’intention de frapper une 2 euros commémorative nationale, sur le thème de la fin de la Première Guerre Mondiale. Ainsi il a été possible de commémorer le début de la guerre, mais pas la fin et donc par conséquent la paix !
C’est donc par le biais de commémoratives en qualité collection, que ces pays commémoreront la fin de ce conflit. Là encore il est intéressant de noter que plusieurs projets ont été refusés par la Commission Européenne, même si on ne connait pas tous les pays cernés. On sait que la Slovaquie et la Slovénie, ont été obligées de changer de thème. La Monnaie de Paris avec sa 2 euros commémorative 2018 Fondation du Bleuet de France, a pour le coup contourné l’obstacle, avec un libellé qui ne commémore pas directement le 100e anniversaire de la fin du conflit.
Belgique 2 euros commémorative nationale 2015, 200e anniversaire de la bataille de Waterloo
France 2 euros commémorative nationale 2015, 500e anniversaire de la bataille de Marignan
Si cette année-là une bataille a été commémorée, c’est bien celle qui a opposé les Hôtels des Monnaies belges et français. Au final que des perdants, la Waterloo et la Marignan ne verront pas le jour, au grand dam des collectionneurs qui seront ainsi privés de deux visuels très réussis.
Pour la petite histoire la monnaie belge avait anticipé la frappe et a donc été contrainte de détruire les pièces frappées. Au moins une de celles-ci aurait échappé à la destruction et aurait été vendue. Elle est considérée par la communauté des collectionneurs comme officielle. Autre petite anecdote, pour amortir les pertes dues à cette destruction, la Monnaie Royale Belge frappera, pour la première fois une 2,50 euros sur le thème de « Waterloo », une valeur faciale qui est depuis ajoutée à son programme monétaire annuel.
Belgique 2 euros commémorative nationale 2018, 50e anniversaire de mai 68
Ce projet n’a été que partiellement approuvé par la Commission Européenne. Pour ne pas froisser certains pays, il a été demandé de ne pas faire figurer sur la monnaie la légende « STUDENT REVOLT ».
France 2 euros commémorative nationale 2018, Simone Veil, entrée au Panthéon le 1er juillet 2018
Le dessin présenté à la Commission Européenne a été refusé, car il n‘était pas conforme aux recommandations concernant l’emplacement des marquages et la visibilité des étoiles du drapeau européen. En effet si le dessin peut déborder sur la couronne, les étoiles doivent impérativement être visibles et bien dégagées. De même les marquages, tels que, date, différents d’atelier ou d’artiste, marque du pays, légende, doivent être à l’intérieur des mythiques douze étoiles du drapeau européen. Ce qui n’était pas tout à fait le cas dans ce dessin, fort bien réussi au demeurant.
Il est impossible de connaître la totalité des projets, qui ont été annulés, car parfois un thème vient prendre la place d’un autre, du fait même de l’institut émetteur. La Slovénie en 2018 a changé de thème, une première fois de son propre chef et une seconde fois sur refus de la Commission Européenne. Dans ce cas aucun projet n’avait été dévoilé.
Parfois le projet est refusé, soit du fait d’un ou plusieurs pays, soit du fait de la Commission, dans ce cas c’est sur présentation d’un dessin. Nous l’avons vu, parfois le projet est complètement annulé, parfois il est juste retouché, parfois l’argumentation des dirigeants du Mint ou le changement de dénomination sauve le projet.
Tous ces détails contribuent à bâtir, l’histoire de la numismatique euro.