CETTE COLLECTION A DÉJÀ 15 ANS, en effet c’est en 2004 que la Grèce étrennait ce nouveau thème et le contingent s’est depuis épaissit. Surtout depuis 2012 et la possibilité pour les pays d’émettre deux de ces commémoratives par an. Au vu des quantités émises, il n’étonnera personne que l’on puisse détecter des frappes différentes dans ces fabrications. Les variantes en sont une !
Jusqu’à présent nombre de collectionneurs ignoraient ce qu’était une variante, certains en connaissaient l’existence sans y prêter attention, pensant que c’était affaire de spécialistes. Enfin d’autres ne les incluaient pas dans leur collection sans en ignorer l’existence, comme par exemple les pièces allemandes et leurs cinq ateliers.
Avant d’aller plus en détail, il faut préciser que, par définition, chaque pièce est unique. Elle est le résultat d’un processus industriel qui, si on l’analyse sous tous ses angles, présentera au moins une différence.
Au risque de nous répéter, en marge des frappes courantes, on trouve régulièrement ce que l’on nomme : les fautées, les variétés, les variantes.
Fautée. Se dit d’une pièce qui, après avoir été frappée, ne correspond pas à ce qu’elle devrait être, suite à un problème de fabrication et qui est retirée de la circulation quand le défaut est détecté.
Variété. Est une différence non intentionnelle,
sans justification légale particulière. La frappe correspond au coin. Si la pièce fait l’objet d’un retrait après détection, alors on glisse vers une « fautée ».
Variante. Il s’agit de modifications intentionnelles qui ont une signification pour l’Institut Emetteur. Sont concernés par exemple : la date, les différents, les lettres d’atelier. La frappe correspond au coin.
Les fautées ne sont collectionnées que par une infime partie des collectionneurs, du fait même de leur rareté et de leurs spécificités. Ce sont également des spécialistes qui traquent et collectionnent les variétés, car certaines différences bien réelles, ne sont pas considérées comme majeures par l’ensemble des collectionneurs.
Seules les variantes, du fait de l’intérêt numismatique évident qu’elles représentent, sont prises en compte par la grande majorité des collectionneurs.
Les Instituts Emetteurs n’étant pas très bavards concernant les fabrications, c’est la communauté des collectionneurs qui différencie les variétés des variantes, quand ce n’est pas clair (voir encadré de la 2 euros commémorative nationale française « Abbé Pierre », comme étant l’exemple type pour ce qui est des Euros).
2 euros commémorative nationale France 2012,
100e anniversaire de la naissance de l’Abbé Pierre
Quantités :
UNC = 1 026 000
BU = 10 000
BE = 10 000
Il a été observé des différences de positionnement et d’inclinaison de la corne d’abondance, cela concerne également le logo. Cependant au vu des proportions : 40 % pour la plus courante, 20 % pour la seconde, 12 % pour la troisième et 10 % pour la quatrième. Les 20 % restants représentant encore 10 empreintes différentes.
Peuvent-elles être considérées comme variantes ?
Vu la faible quantité frappée, 1.026.000 exemplaires, on en est à presque un coin différent par pièces différentes trouvées, si on soustrait la plus courante et les trois suivantes. Cette proportion est anormale et rien ne permet de laisser à penser que ces différences soient voulues et aient une signification officielle. Bien qu’il soit probable que l’on ne le sache jamais, il s’agit certainement d’incidents de fabrication. Des coins fabriqués d’avance en fonction des quantités prévues, qui se seraient cassés prématurément, ou sur lesquels une grossière erreur aurait été détectée juste au moment de la frappe. Ce qui aurait amené les équipes à fabriquer de nouveaux coins en catastrophe. De plus, au vu du total désintérêt de la plus grosse majorité des collectionneurs pour ces « détails », il est quasiment acquis que ces différentes frappes n’ont pas d’intérêt majeur pour la collection idéale et sont donc à ranger dans la liste des variétés.
Parfois il y a changement d’avis de la majorité des collectionneurs, la différence de tranche en est un parfait exemple. Au début les tranches dites « A » et « B » étaient considérées comme variantes et collectionnées comme telles, alors que de toute évidence cette différence est aléatoire et donc involontaire, car non maitrisée. Pour s’en convaincre il s’agit de constater qu’il est impossible à un Mint de connaître et de donner très précisément les quantités de chacun des deux modèles. Aujourd’hui la communauté des collectionneurs ne fait plus allusion à ces différences, cette particularité a donc glissé mécaniquement vers la catégorie variété.
Il en va de même pour les différences de taille des symboles sur ces mêmes tranches.
Du maximaliste au sélectif, il est donc possible d’appréhender sa collection en tenant compte ou pas des variantes. Bien sûr chacun collectionne comme il veut, mais faute de référencement et plutôt que de s’entendre, les collectionneurs font comme ils peuvent. Il en résulte sur le second marché une envolée des prix qui n’a pas lieu d’être.
En effet plutôt que de collectionner par qualité de frappe et de s’en tenir à un thème homogène, par exemple les UNC, les BU, les BE, rien n’empêche de collectionner un, deux, voire les trois procédés de fabrication. Beaucoup de collections sont constituées des trois qualités mélangées, car quand la pièce est frappée en UNC elle est collectionnée, mais si celle-ci n’est pas frappée dans cette qualité, c’est la BU qui est privilégiée et si celle-ci n’existe pas
dans ces deux qualités, c’est la BE qui vient rejoindre et compléter la collection.
C’est la 2 euros commémorative émise par la Principauté de Monaco en 2015 (et les années suivantes), à l’occasion du 800e anniversaire de la construction du premier château, qui a bien involontairement provoqué cette situation.
En effet, émise à seulement 10 000 exemplaires et seulement en qualité BE, la majorité des collectionneurs a donc décidé que cette monnaie devait être incluse dans la collection totale et cela, il faut bien le dire, sans en mesurer les conséquences. Même informés, rien n’y a fait. Le prix sur le second marché à vite dépassé les 1 000 euros, alors que cette quantité était vraiment adaptée au nombre des seuls collectionneurs de 2 euros commémoratives BE. Le prix serait donc resté très proche du prix d’émission si les collectionneurs des autres qualités de frappe ne s’en étaient emparés ! Ce qui donne des collections hétéroclites ! Les variantes aggravant encore un peu plus l’ensemble. Car à partir du moment où l’on inclut la qualité BE dans la collection, les variantes de cette qualité y entrent bien évidement, sinon où serait la cohérence ? Même si certaines sont en quantité plus que confidentielle, réduisant ainsi considérément le nombre de collections totales possible.
Autre exemple : certains se sont rués sur la commémorative belge « Croix Rouge », qui avait en plus de la version officielle, des modèles avec la tranche soit néerlandaise, soit italienne. Ils ont fait grimper les prix, ce qui a été tout bénéfice pour les spéculateurs, alors que ces fabrications sont fautées de l’aveu même du Mint, qui a tout fait pour les récupérer et les détruire, mais au grand dam des collectionneurs de fautées ! Un résultat désastreux pour tous ! Y compris pour ceux qui n’ont pas pu les acheter et qui sont frustrés, pensant toujours que ces pièces manquent à leur collection.
Certains sites dédiés et tenus par des néo-collectionneurs d’euros, les annoncent toujours comme étant des variantes.
A présent que le décor est donné, voyons ce qu’il en est de ces fameuses « Variantes » et de la colère qui commence à monter.
LES VARIANTES DES 2 EUROS COMMÉMORATIVES ADMISES PAR LA COMMUNAUTÉ DES COLLECTIONNEURS
Luxembourg 2004 BU, Monogramme du Grand- Duc Henri : H inclinés vers la droite
Luxembourg 2005 BE (2008), Grands-Ducs Henri et Adolphe : différents Monnaie de Paris
Luxembourg 2006 BE (2008), 25 ans Héritier au Trône Guillaume : différents MdP
Allemagne 2008 UNC, Hambourg F : ancienne carte
France 2008 UNC, Présidence de l’Union Européenne : coloriée en jaune
Espagne 2009 UNC, 10 ans de l’union économique et monétaire : grosses étoiles sur couronne
Luxembourg 2009 BE, 10 ans Union économique & monétaire : petites étoiles, sans signature
Malte 2012 BU, Représentation majoritaire 1887 : marque de la KNM
Malte 2013 BU, Constitution du Gouvernement de 1921 : marque de la KNM
Pays-Bas 2013 BE, 200 ans Royaume des Pays-Bas : ruban colorié
France 2014 BU & BE, Journée mondiale contre le SIDA : ruban colorié
Malte 2014 BU, Indépendance de 1964 : marque de la KNM
Pays-Bas 2014 BE, double portrait Béatrix/Willem- Alexander : couronne en rouge
Pays-Bas 2014 BE, double portrait Béatrix/Willem- Alexander : couronne en bleu
Pays-Bas 2014 BE, double portrait Béatrix/Willem- Alexander : couronne en blanc
France 2015 BU & BE, 30 ans Drapeau européen : drapeau colorié en bleu
Pays-Bas 2015 BE, 30 ans Drapeau européen : six personnages coloriés
Pays-Bas 2015 BE, 30 ans Drapeau européen : drapeau colorié
Pays-Bas 2015 BE, 30 ans Drapeau européen : douze personnages coloriés
France 2015 BU & BE, 225 ans fête de la Fédération : cocarde coloriée
Luxembourg 2015 BE, 125 ans dynastie Nassau- Weilburg : couronne miroir
Malte 2015 BU, 100 ans du 1er vol au départ de Malte : marque de la KNM
Malte 2015 BU, République de Malte de 1974 : marque de la KNM
Malte 2016 BU, Temple Ggantija : différents Monnaie de Paris
Malte 2016 BU, Temple de Ggantija : « F » dans étoile
Malte 2016 BU, Comunity Chest Fund Malte « L’amour » : différents de la MdP
France 2017 BU & BE, 25 ans du Ruban Rose : ruban colorié
Malte 2017 BU, site Hagar Qim : différents différents Monnaie de Paris
Malte 2017 BU, site Hagar Qim : « F » dans étoile
Malte 2017 BU, Comunity Chest Fund Malte « La Paix » : différents MdP
Portugal 2017 BE, 150 ans de Police de Sécurité Publique : personnages et maisons coloriés
France 2018 BU & BE, 100 ans du Bleuet de France : bleuet colorié
Luxembourg 2018 BU, 150 ans de la Constitution du pays, Pont et Caducée
Luxembourg 2018 BE, 150 ans de la Constitution du pays, Lion et Pont
Malte 2018 BU, site Mnajdra : « F » dans étoile
On le voit la liste est longue et elle est loin d’être définitive.
ET À PRÉSENT DES VARIANTES CRÉÉES ARTIFICIELLEMENT !
Mais ce qui a mis le petit monde de la numismatique euro en émoi, c’est l’annonce des variantes du Luxembourg en 2018 et plus précisément celle en qualité BE qui ne sera disponible qu’en coffrets collectifs et à seulement 3 500 exemplaires (2 500 (5 x 2 euros 2016/2018) + 1 000 du coffret annuel 10 pièces).
Car elles viennent s’ajouter à celles à venir. Mais au-delà c’est le procédé, qui est dénoncé. Il va de soi que les Instituts Monétaires ont trouvé là une occasion pour vendre leurs 2 euros commémoratives dans les trois qualités de frappe, mais en plus, en les incluant dans des coffrets collectifs, ils obligent les collectionneurs à les payer au prix fort.
Déjà certains révisent leur jugement et pensent à recentrer leur collection sur les seules UNC et accessoirement les BU, ce qui parait raisonnable. Mais d’autres pensent tout simplement à arrêter cette collection, car ils ne supportent pas l’idée d’une collection incomplète, à leurs yeux.
Pour éviter toute décision hâtive et sans s’immiscer dans la gestion de la collection de chacune et chacun, il nous parait opportun de donner quelques pistes de réflexion.
Le classement par thème, permet de se constituer une collection complète de 2 euros commémoratives, sans les avoir toutes. Par exemple : les Lander allemands, le sport, les caritatives, etc… La qualité de frappe est également une piste : on peut très bien ne prendre que les UNC, ou que les BU, ou encore que les BE. A ce titre nous voulons rappeler que les 2 euros commémoratives qui sont données à l’expertise, obtiennent le grading « MS » (Mint State) pour les frappes UNC & BU et le grading « PR » (Proof) ou « PL » (Proof Like) pour ce qui est de la frappe BE. Aux collectionneurs d’en tirer les enseignements.
En conclusion les combinaisons sont multiples, mais force est de constater que la pratique de certains instituts est discutable.
Il est audible que différencier la frappe BU de la frappe UNC, pour protéger le collectionneur de manipulations frauduleuses, qui consisterait à soustraire la monnaie BU de son conditionnement pour la remplacer par une en qualité UNC, au titre qu’il ne saurait pas les différencier. Mais créer deux variantes pour une même qualité de frappe, entre celle qui est dans le coincard et celle dans le coffret annuel, est fort contestable.
Que l’on différencie une refrappe BE, nous semble indispensable, mais que l’on aille jusqu’à créer une différence entre la qualité BU et la qualité BE, ne nous paraît pas du tout justifié.
Nous rappelons qu’il est préférable de réaliser ses achats auprès de vendeurs certifiés, c’est encore plus vrai pour ce qui concerne les qualités BU & BE.
Comment avec de telles pratiques le collectionneur ne se sentirait-il pas manipulé ? Et au-delà complètement découragé.
La collection des 2 euros commémoratives est l’exemple même de la « collection plaisir », les instituts ne doivent pas le perdre de vue, surtout s’ils veulent intéresser par ce biais ce très large public, à des monnaies plus élaborées de leurs productions.
Par Serge Wiotte pour Monnaie Magazine