© Par Serge Pelletier
C’était il y a 104 ans, le 11 Novembre 1918, à la 11e heure du 11e jour du 11e mois de l’année, qu’un armistice fut signé mettant fin à la guerre à « la Grande Guerre », plus connue sous la nom de « Première Guerre Mondiale ». Depuis lors, le mois de novembre est devenu le « Mois du Souvenir » un peu partout à travers le monde. Nous profitons de l’occasion pour nous rappeler les sacrifices faits par les quelque 32 millions de soldats blessés ou tués, ainsi que par ceux qui ont survécus, et pour revoir les conséquences de cette guerre, particulièrement du côté numismatique.
Comme son sobriquet l’indique, la Première Guerre Mondiale fut le premier conflit d’ordre planétaire, de par les puissances impliquées, mais qui se tint principalement en Europe de 1914 à 1918. Ce conflit opposait les puissances alliées (l’Entente composée la France, l’Empire russe, le Royaume-Uni et les colonies britanniques, l’Italie et, également les États-Unis) aux Puissances centrales (l’Alliance composée des empires austro-hongrois, allemand et ottoman).Le catalyseur est sans l’ombre d’un doute l’assassinat à Sarajevo, le 28 Juin 1914, de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, héritier du trône austro-hongrois et de son épouse la duchesse de Hohenberg, Sophie Chotek, par Gavrilo Princip, un anarchiste serbe. C’est en effet suite à cet assassinat que l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie le 28 juillet suivant. Dès lors, les choses se compliquent.
Deux jours plus tard, les Russes, alliés des Serbes, se mobilisent. Le lendemain l’Allemagne, allié de l’Autriche-Hongrie, adresse deux ultimatums, un à la Russie, lui demandant de cesser sa mobilisation et de ne pas intervenir, l’autre à la France, qui est alliée à la Russie. Suite à la fin de non-recevoir russe, l’Allemagne se mobilise le 1er août et déclare la guerre à la Russie. La France se mobilise le lendemain, alors que l’Allemagne attaque le Luxembourg et demande libre passage de ses troupes à la Belgique et qu’elle signe une alliance avec l’Empire ottoman contre la Russie. L’Italie déclare qu’elle restera neutre. Le 3 août l’Allemagne déclare la guerre à la Belgique, qui a refusé sa requête, et à la France. Le Royaume-Uni déclare qu’il soutiendra la neutralité belge. Le lendemain l’Allemagne attaque la Belgique entraînant la déclaration de la guerre à cette dernière par le Royaume-Uni, ce qui implique automatiquement le Canada, l’Australie, les Indes, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud. Ce soir là, l’Allemagne est en guerre contre dix pays pour soutenir son allié austro-hongrois qui lui n’est en guerre qu’avec la Serbie (et celle-ci n’est pas en guerre contre l’Allemagne).
Histoire de tout remettre en place, l’Empire austro-hongrois déclare la guerre à l’Empire russe le 6 août. Le 11 la France déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie, suivie du Royaume-Uni le 13. Enfin, le Japon déclare la guerre à l’Empire allemand le 23 août. Ce conflit devient une guerre mondiale.
Les batailles se concentrent sur deux fronts : le Front de l’Ouest, s’étirant de la Mer du Nord à la frontière suisse et composé principalement de lignes de tranchées séparées par un no man’s land, et le Front de l’Est qui, à cause de la vaste étendue des steppes et du faible développement ferroviaire, a évité l’impasse des tranchées mais a été tout aussi sanglant. Mais, une fois commencée, la guerre met quatorze mois à atteindre militairement la Serbie. En 1918, la plupart des pays du monde sont impliqués. L’Entente regroupe : Aden, Afrique du Sud, Australie, Belgique, Birmanie, Brésil, Canada, Chine, Cuba, Égypte, Etats-Unis, France, Grèce, Guatemala, Haïti, Honduras, Hong-Kong, Indes, Italie, Japon, Kenya, Libéria, Luxembourg, Monténégro, Nicaragua, Nigeria, Nouvelle-Zélande, Oman, Pays-Bas, Portugal, Rhodésie, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Salvador, Serbie, Siam, Singapour et le Soudan britannico-égyptien. Tandis que l’Alliance regroupe : Allemagne, Autriche-Hongrie, Bulgarie et l’Empire ottoman (Turquie). Cette guerre brutale fit plus de 9 millions de morts et plus de 23 millions de blessés de parts et d’autres. La France a été, proportionnellement à sa population, le pays le plus touché : 1,4 millions de tués et disparus, soit 10% de sa population masculine active.
Conséquences générales
Les conséquences de la Première Guerre Mondiale sont considérables et s’étendent sur de nombreux fronts. Démographiquement elle est significative et laisse une saignée marquée dans les pays impliqués mais plus que les morts, ce sont les survivants blessés et mutilés, les « Gueules cassées » comme on les appelle alors, qui ont un impact important. Les avancés de la médecine ont en effet été tels, que beaucoup des blessés qui auraient succombé à leurs blessures, ont survécu, nécessitant donc que des programmes sociaux soient instaurés pour s’occuper d’eux. Politiquement, il semble que ce soit la démocratie qui ait triomphé puisque quatre empires autoritaires se sont écroulés suite à cette guerre : l’Empire russe est devenue l’Union soviétique ; l’Empire ottoman est réduit à la Turquie d’aujourd’hui ; l’Empire austro-hongrois est démantelé et donne naissance à l’Autriche, la Hongrie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie et l’Empire allemand perd ses colonies et doit restituer 132 milliards de marks-or. Le prestige des métropoles européennes sort également affaibli de ce conflit.
Le féminisme est, quant à lui, grand gagnant, puisque les femmes ont, au cours de la guerre, acquis une place nouvelle dans la société. En effet, elles ont dû prendre la place des hommes pour assurer la survie des labours, des usines, des bureaux et des écoles. C’est suite à la guerre qu’elles obtiennent le droit de vote au Royaume-Uni, en Allemagne, aux États-Unis et en Russie. Nous pourrions continuer à développer les conséquences sur plusieurs pages. Tournons-nous plutôt vers notre domaine de prédilection, la numismatique.
Légende : « Billet de nécessité de 1 Franc émis par la Chambre de Commerce de Marseille »
Patrimoine numismatique
Comme dans le cas des guerres précédentes, une des premières réalités auxquelles devait faire face les citoyens était le manque de numéraire. En effet, la menue monnaie avait tendance à disparaître en temps de guerre, soit par thésaurisation (particulièrement pour les monnaies d’or et d’argent), soit parce que le métal dont elles étaient faites était requis pour l’effort de guerre, comme le bronze, le billon et le nickel. Or, qui dit manque de numéraire dit monnaies de nécessité, et c’est là le plus grand patrimoine numismatique de cette guerre. En France, on en distingue deux catégories : les émissions semi-officielles et les émissions privées.
Les émissions semi-officielles sont tolérées par l’Etat qui dû se rendre compte de leur nécessité. Elles sont faites par les municipalités même, par les chambres de commerce, par les unions commerciales et les unions commerciales et industrielles, qui, en tant qu’entités émettrices, doivent faire un dépôt de garantie auprès du Trésor ou de la Banque de France. La majorité des billets de ce type émis, comme le billet d’un franc 1919 de la Chambre de commerce de Nice et des Alpes-Maritimes, en font même foi : « ces billets garantis par un dépôt au Trésor d’égale somme sont toujours échangeables contre des billets de la Banque de France aux succursales de cette banque dans le département des Alpes-Maritimes. Ils devront sous peine de prescription y être présentés au remboursement avant le 31 décembre 1919, sauf décision (sic) prorogeant ce délai ». Cette garantie a donné à ces émissions un rayon de circulation relativement large, s’étendant souvent à une ville, un département et même une région entière. Les émissions privées, quant à elles, n’étaient aucunement garanties ce qui rendait leur circulation beaucoup plus restreinte. Ce sont des commerçants (boulangers, cafés, épiciers, hôteliers), des industriels (Lille, Renault) et des compagnies de transport (tramways de Paris) qui les émettaient. Dans le cas des industriels, elles servaient généralement à payer leurs employés qui pouvaient, par la suite, les utiliser dans les cantines et coopératives associées à l’émetteur.
Légende : « Billet France 50 centimes – Banque d’Emission de Lille – 1915 »
Historiquement, la monnaie de nécessité se composait de jetons métalliques et de billets, mais deux nouveaux types firent leur apparition : les monnaies-cartons et les monnaies-timbres. Les jetons métalliques étaient généralement de basse valeur (moins d’un franc) et étaient fait de métaux vils : aluminium, fer, laiton et même zinc. Les billets eux, sont de petite taille et leurs coupures sont habituellement de 50 centimes à 2 francs. Pour ce qui est des nouvelles venues, les monnaies-cartons peuvent être décrites comme étant simplement des fac-similés des jetons et des billets mais sont faites de carton plutôt que de métal et de papier. Bien qu’elles soient nouvelles en France, elles constituent en faites l’une des plus vieilles monnaies de nécessité. En effet, l’une des plus anciennes monnaies de nécessité connues nous vient de Leyde (Pays-Bas) alors qu’elle était assiégée par les Espagnols en 1574 et a été faite à partir de couvertures de missels. Pour ce qui est des monnaies-timbres, elles se composent d’un disque d’aluminium qui est en quelque sorte un cadre, dans lequel un timbre-poste est présenté sous acétocellulose. L’avers est soit en aluminium, estampé comme une monnaie, ou de carton imprimé. Toutes les monnaies-timbres françaises sont d’émetteurs privés, qui s’en servirent beaucoup à des fins publicitaires.
La collection des monnaies de nécessité françaises issues de la Première Guerre Mondiale peut être des plus intéressantes en plus de présenter un vrai défi, car la plupart des monnaies sont à faible tirage. On retrouve également beaucoup d’émissions de monnaies de nécessité pour l’Allemagne et l’Autriche. Outre toutes pièces, le patrimoine numismatique de la Première Guerre Mondiale comprend les monnaies d’occupation comme une pièce belge de 10 centimes millésimée 1917. Depuis des siècles maintenant, la monnaie est le témoin de l’histoire. Ceux qui la côtoient, comme nous les numismates, doivent parfois faire face à de dures réalités historiques.
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