La fabrication de faux assignats : une arme économique contre la Révolution Française
© Par Eduardo Gurgel
Sous l’Ancien Régime, la fabrication de fausses monnaies était une pratique courante comme l’attestent de nombreuses condamnations de faux monnayeurs. Cette activité considérée comme un crime était très lucrative, et les grands seigneurs s’y prêtaient volontiers. Au XVIIe, la production de fausse monnaie était tellement répandue que Richelieu décida d’instaurer en juin 1631 une commission spéciale chargée de poursuivre et de condamner à mort tous les auteurs de crime de faux monnayage. Tous ces efforts allaient bientôt être réduits à néant par la création des premiers billets de banque. En effet, la typologie simple et imprimée sur du papier bon marché, des premiers billets, facilitait énormément la tache des faux monnayeurs.
La première tentative célèbre de papier monnaie répandue officiellement dans le Royaume de France fut celle de la Banque de Law en 1715. Ce banquier Ecossais avait réussi à convaincre le Régent Philippe d’Orléans, durant la minorité de Louis XV, de lui donner officiellement le droit d’imprimer des billets de banque. L’impression de faux billets fut peu utile puisque, très vite, la confusion entre la banque de Law, privée, et les caisses de l’Etat, surendetté, provoqua une surproduction fatale de billets servant à boucher les trous du budget. En 1720, la banque de Law était ruinée, et avec elle de nombreux épargnants.
Naissance de l’assignat
Malgré cette première mauvaise expérience, la création d’une monnaie de papier fut l’une des décisions d’urgence de la jeune « Assemblée Nationale Constituante » (ANC). En effet, en décembre 1789, devant le manque crucial de liquidité et de métaux précieux pour faire face aux nombreux besoins de l’Etat, l’ANC décida la création d’une « caisse de l’extraordinaire » alimentée par les différentes confiscations (biens du Clergé, de nobles émigrés ou de citoyens condamnés). Elle devait permettre de produire des bons appelés « assignats », soit des avances gagées sur la vente des biens nationaux avec un intérêt de 5%. Trois mois plus tard, ces assignats étaient considérés comme de véritables billets de papier monnaie, qui ne rapporteraient plus que 3% à partir de septembre 1790.
L’assignat s’effondre
Malgré de nombreuses lois visant à soutenir ces assignats, toujours libellés en livres et en sols selon le système de l’Ancien Régime (1 livre = 20 sous ou sols, 1 sou = 12 deniers), leur valeur s’effondra rapidement. En avril 1793, le cours des assignats fut forcé. En septembre 1793, ceux qui refusaient d’accepter les assignats comme moyen de paiement étaient passibles de la peine de mort. La publication des cours de change était interdite à cause des dépréciations successives, de 40% en juillet 1792 puis de 64% en juillet 1793. La bourse fut même fermée et le taux de change fixé arbitrairement. La plus grosse erreur fut pourtant celle des gouvernements révolutionnaires successifs qui ont imprimé 49 milliards de livres en papier monnaie alors que seuls l’équivalent de 1,8 milliards de livres avaient été saisis entre 1790 et 1796.
L’Angleterre tente de récupérer la situation
Cette erreur, le Royaume Uni souhaitait l’exploiter contre la France Révolutionnaire. Fort de son régime politique stable et riche de son commerce florissant avec ses colonies, le Royaume Uni disposait d’un potentiel financier conséquent qu’elle pouvait exploiter comme une arme économique contre ses ennemis, dont la France.
Depuis 1696, la « Bank of England » émet des billets de banque gagés sur l’or parfaitement remboursables et donc reconnus pour leur stabilité (aujourd’hui encore, la valeur de ces billets est réputée à tel point qu’un billet rare de 1 livre sterling de 1798 s’est vendu récemment l’équivalent de 76 000 euros). Si le Royaume-Uni dispose ainsi au moment de la Révolution d’une monnaie forte et stable, il sait que ce n’est pas le cas de ses voisins et ennemis. Dès la guerre d’indépendance américaine, de 1775 à 1783, la banque d’Angleterre avait émis une grande quantité de faux billets américains afin d’en déprécier la valeur, mais surtout d’anéantir la réputation de ces billets à l’extérieur. Il s’agissait bien entendu de ruiner tout espoir de commerce des anciennes colonies américaines avec l’Europe sans passer par l’Angleterre et sa monnaie. Le succès de cette stratégie fut mitigé mais suffisamment intéressant pour qu’il soit réemployé contre la France Révolutionnaire.
L’apparition des assignats offrait une opportunité trop tentante. Les premiers assignats imprimés, en livres et en sols, comportaient peu de mesures contre la falsification. Les numéros de série et impressions en relief, entre autre, offraient peu de résistance face aux moyens dont disposait la banque d’Angleterre. Une fois les faux assignats produits, il ne restait plus qu’à les faire rentrer sur le territoire français. Les faux billets pénétraient par le Nord depuis la Belgique, par le Sud depuis l’Espagne et par l’Est depuis la frontière allemande. Certains billets étaient même directement fabriqués dans les villes proches des frontières telles Lille, Strasbourg, Liège ou Barcelone. A Paris même, en évoquant les évènements du 2 septembre 1792, le secrétaire-greffier de la Commune de Paris prétendra que l’on trouvait des planches et du papier pour produire des faux billets dans les prisons. Les révoltés Vendéens ou Bretons ainsi que les nobles opposés au régime révolutionnaire offraient encore d’autres possibilités. Ainsi un noble Normand était-il chargé de faire circuler les faux assignats anglais produits sur l’île de Jersey. Un autre épisode est resté plus célèbre lors de la prise de Quiberon par les révoltés bretons, le samedi 27 juin 1795. Une escadre de 9 bâtiments de guerre et 60 navires de transport partis d’Angleterre, est alors chargée de débarquer à Quiberon, des armes pour 60000 hommes, 3600 émigrés, 20848 prisonniers enrôlés de force et surtout d’importantes réserves de ballots de faux assignats ! Cette expédition ne fut pas suffisante pour soutenir l’effort des chouans et l’entreprise fut un échec.
Le début de la fin ?
En Janvier 1795, l’assignat ne valait plus que 10% de son nominal. Le 10 août 1795, la Convention Thermidorienne, décida de retirer les assignats en livres et sols de la circulation pour les remplacer, le 15, par des assignats en Franc. [INCLURE PHOTO assignat_100F] Pourtant le Franc ne prit officiellement le dessus sur la Livre que le 6 mai 1799. Cette nouvelle monnaie, plus sûre et plus stable s’appuyait sur le nouveau système décimal mis en place depuis 1793 et officialisé par une loi du 7 décembre 1793. Ce nouvel assignat en Franc devait faciliter le commerce et ruiner les ambitions anglaises. Sur ces points, le Franc et son système décimal fut un succès puisque les monnaies voisines (Italie, Belgique, Espagne…) ne tardèrent pas à adopter des systèmes semblables tant il facilitait le commerce et tous les échanges. Pour le reste, malgré les nouveaux moyens anti-falsification (filigrane, papier pelure, vignettes gravées, timbres en relief, numéros de série…) la production de faux assignats reprit. De plus, la croissance rapide des besoins pour financer la guerre contre les puissances coalisées contre la France (de 1792 à 1797) entraîna à nouveau une dévaluation encore plus rapide que pour les assignats précédents. Les nouveaux emprunts forcés votés le 10 décembre 1796 ne suffirent pas et en 1 an, l’assignat en Franc avait perdu plus de 90% de sa valeur. Le 19 février 1796, le Directoire décida donc la suppression des assignats pour stopper l’inflation. Les planches furent détruites place Vendôme. Il fallait encore retirer et brûler 30 milliards de francs émis en assignats en les remplaçant par des mandats territoriaux. Enfin le 21 mars 1796, le Franc fut fixé à un cours légal de 5g d’argent à 900/1000e et le papier monnaie n’eut plus cours légal.
Il fallut attendre Napoléon et le fruit de ses nombreuses victoires militaires pour voir rentrer de grosses quantités de métaux précieux en France, provenant des confiscations et des contributions versées par les pays alliés ou vaincus pour financer l’effort de guerre (l’Italie versait 50 millions de Francs et la Hollande 200 millions de florins par an). Il put ainsi créer une Banque de France en 1800 unique émettrice des monnaies de papier et métalliques à partir du 7 avril 1803 ; le Franc germinal gagé sur une même somme en or ou en argent jusqu’en 1914 !
La tactique de guerre économique anglaise n’avait peut-être pas eu tous les effets escomptés. La surproduction nationale de papier monnaie avait été suffisante pour ruiner les assignats. Pourtant, Napoléon n’hésita pas lui aussi à utiliser cette stratégie face aux faibles monnaies européennes, et dès 1806, il faisait fabriquer de faux billets autrichiens depuis Paris et l’Italie après s’être emparé des plaques de la banque de la ville de Vienne.
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Assignat 50 Sols 1793 France
23 Mai 1793
Qualité : NEUF
50 ex
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